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La Rosa multiflora var. carnea
de Redouté et Thory

À la recherche d'une rose "velue"

(publié initialement dans Roses anciennes en France).

Entre littérature et nature, ...
... il y a les herbiers !
Voyage aux îles et colonies, ...
... retour en Chine, ...
... détour par l'Indochine !
Dernière minute
Notes


Entre littérature et nature, ...

Début XIXe siècle, dans "Les Roses", Redouté et Thory décrivaient deux rosiers cultivés provenant, l'un de Chine R. multiflora var. carnea , l'autre peut-être du Japon R. multiflora var. platyphylla . Ils les traitaient comme des variétés de R. multiflora Thunb. Or, cette dernière, décrite par Thunberg dans sa Flora Japonica de 1784 à partir de plantes récoltées dans la région de Nagasaki, n'a été introduite officiellement en Europe que vers 1860.

Le but de cette étude était au départ d'essayer de préciser l'identité botanique et l'origine géographique de la var. carnea, introduite hâtivement et dont on pense qu'elle a joué un rôle important dans la genèse de nos rosiers cultivés. Elle nous mènera à découvrir un groupe très diversifié duquel "Les Roses" de Redouté et Thory, oeuvre phare en son temps rend mal compte de l'ampleur et de la précocité de l'introduction, tout au moins dans les colonies !
Redouté et Thory n'ayant pas laissé d'herbiers pouvant servir de références, voilà donc un premier obstacle à contourner. En effet, qu'est-ce qui nous prouve que les variétés distribuées en pépinières sous les noms de var. carnea et var. platyphylla sont bien celles décrites et illustrées dans "Les Roses"?
J'ai mis moi-même un certain nombre d'années avant de trouver une (ou plusieurs) variété(s) se rapprochant de la var. carnea (on reçoit souvent 'Paul's Himalayan Musk' à sa place), et je suis encore à la recherche de quelque-chose qui me satisfasse pour ce qui concerne la var. platyphylla ('de la Grifferaie' est la seule chose que j'aie reçue sous ce nom jusqu'à présent).

Voici ce que dit Thory de l'origine géographique de la var. carnea : "Notre rosier croît spontanément à la Chine, cette contrée délicieuse, où Flore règne sans rivale; il en a été rapporté par l'honorable écuyer T. Evans, vers 1804, et a fleuri pour la première fois en Angleterre dans la pépinière de M. Colville. M. Boursault l'a ensuite fait venir de Londres à Paris en 1808; et ce n'est que quatre ans après au mois d'août 1812, qu'il a donné ses fleurs dans le jardin de M. le docteur Cartier."


... il y a les herbiers !

La Chine est grande; presque un continent, avec ses zones climatiques contrastées correspondant à des flores très diversifiées. Les "paquets" de l'herbier Crépin contiennent d'importantes quantités de spécimens sous l'appellation Rosa multiflora Thunb.. Rien que pour la Chine, on y trouve du matériel très varié allant de formes pratiquement identiques aux formes japonaises (principalement du nord-est au centre de la Chine) à des choses si différentes (au sud et au sud-ouest) qu'on comprend mal pourquoi Crépin les a classées avec cette espèce.
Un examen plus général permet cependant de caractériser au sein de la section des Synstylae un groupe régional assez homogène à fleurs aux boutons très ronds et possédant des stipules et des bractées profondément découpées en lanières. Ce groupe comprend R. multiflora, R. luciae, R. wichuraiana, ... et les roses du sud et du sud-ouest de la Chine classées par Crépin à R. multiflora.


 

Voyage aux îles et colonies, ...

Avant d'aborder les multiflores, j'avais trouvé dans un autre herbier à Meise (BR), l'herbier d'Afrique, des roses étranges qui me faisaient penser aux "Hybrid Musk", créées par l'ecclésiastique anglais Pemberton 1 dans la première moitié du XXe siècle. Ces roses des jardins des colons, ou naturalisées dans ce coin d'Afrique (la Tanzanie) avaient aussi des boutons ronds, mais elles étaient très velues (tomenteuses) sur toutes les parties de l'inflorescence. Dans mon esprit, une pilosité analogue bien que moins dense présente chez les Hybrid Musk était l'une des traces laissées par Rosa moschata dans leur morphologie. Ou bien alors, ces poils venaient d'ailleurs. Sur les roses de Tanzanie, la densité des poils était telle que je ne pouvais m'empêcher de penser à R. bracteata, ou à R. clinophylla, de la section Bracteatae 2.
Lors d'un premier séjour dans les herbiers du Muséum d'histoire naturelle de Paris, j'y découvre des roses "velues" très proches des roses de Tanzanie, collectées dans les colonies et protectorats français : Madagascar, l'Île Bourbon et, ... pratiquement identique lui, le type de R. beauvaisii Cardot annoté "Campagne des environs de Longtchéou, haies et buissons, pousse en abondance, avril 1893". Les fleurs de ces échantillons sont semi-doubles à doubles et décrites comme roses, ou "rouges".
Cependant, les récolteurs prudents et scrupuleux se contentent de noter "Rosa" sur l'herbier, sans préciser de nom d'espèce.
Je reviens donc à la description de Thory pour complément d'information sur la morphologie de la var. carnea, et je constate qu'il décrit une pilosité analogue à celle que j'observe chez ces roses de Tanzanie et des colonies françaises : "Les feuilles [...] vertes et glabres en dessus, plus pâles et pubescentes en dessous. [...] Elles sont portées par un pétiole velu... [Les] pédicelles, ainsi que le pédoncule commun, sont couverts d'un duvet semblable à celui que l'on remarque sur les pétioles. Les tubes des calices [...] sont pubescents. Les divisions du limbe [...] sont également pubescentes..."
À la même époque (1820), dans sa "Rosarum Monographia, Lindley décrit le même phénomène pour sa Rosa multiflora : "Stipulae linear [...] downy beneath; petioles very villous; leaflets [...] hairy on both sides."
De retour dans les multiflores de l'herbier Crépin, j'y découvre des spécimens très semblables, qui permettent d'imaginer la voie de l'introduction de ce genre de cultivars en Europe, mais aussi peut-être indépendamment en Amérique : -un spécimen de San José de Costa Rica 3, en Amérique centrale (dont un double se trouve aussi dans l'herbier général de Meise (BR)); -deux spécimens de Madère sous l'appellation locale de "roses des Portugais" (ce nom pourrait faire penser à une introduction bien antérieure par les navigateurs portugais, et la flore des roses de Madère inclut d'autres choses telles qu'une rose blanche "à odeur de riz", à rapprocher des "Noisette").
Élément supplémentaire intéressant, les spécimens de Madère appartiennent à deux formes proches mais différentes l'une de l'autre :

  • L'une possédant de petites folioles (pointues comme celles de R. luciae) et de très petites fleurs semble être une vigoureuse plante grimpante 4; la deuxième planche du même spécimen montre de fortes tiges stériles en pleine croissance. Cette plante est semblable à celle de San José de Costa Rica.
    C'est elle qui se rapproche le plus par l'ensemble des caractères précités de la var. carnea de Redouté. La couleur de ses fleurs n'est pas signalée.
  • L'autre possédant de grandes folioles largement ovales est apparemment identique aux roses de Tanzanie, à certaines de Madagascar et à la R. beauvaisii de Longtchéou. Ici, les fleurs sont bien à tendance rose ou rougeâtre voire plus foncée 5.
    Ne s'agirait-il pas tout simplement de la var. platyphylla 6 décrite et illustrée dans "Les Roses"? Chose importante, Thory ne mentionne que des différences de proportions, de couleurs des fleurs et de rugosité du feuillage entre les var. carnea et platyphylla, mais il ne signale pas que cette dernière serait moins velue.

 

... retour en Chine, ...

Mais revenons-en à la var. carnea. De nombreux auteurs la rattachent à une rose considérée d'abord comme une variété botanique de Rosa multiflora, bien qu'elle en soit probablement génétiquement éloignée : Rosa cathayensis (Rehder & E.H. Wilson) L.H. Bailey (synonyme de R. multiflora var. cathayensis Rehder & E. H. Wilson), originaire des provinces chinoises de Yunnan et Setchouan 7.
Ces avis sont basés sur l'ouvrage "Plantae Wilsonianae", qui répertorie et décrit les nombreuses espèces de plantes récoltées par des missionnaires ou lors d'expéditions en Chine au début du XXe siècle. On a rapporté à cette rose la forme décrite par Plukenet dès 1704 (1696 d'après G. S. Thomas) comme "Rosa sylvestris cheusanica, foliis subtus incanis, floribus purpureis parvis" (rose sauvage de Chine, à dessous des feuilles couvert d'une pubescence blanchâtre, et petites fleurs pourprées), mais cette courte description pourrait aussi bien convenir à la var. carnea, la var. platyphylla ou aux autres qui vont suivre.
Pour l'instant, des herbiers de George Forrest et de E. E. Maire empruntés aux Jardins botaniques royaux d'Édimbourg sont à l'examen à Meise. À l'heure où ces lignes sont rédigées, le spécimen type de la var. cathayensis de Rehder & Wilson et d'autres récoltes chinoises font l'objet d'une demande de prêt à l'Arnold Arboretum, de Boston. Si dans l'herbier d'Édimbourg figurent bien des spécimens (venant uniquement du Yunnan) étiquetés var. carnea et var. platyphylla, pratiquement tous les spécimens (23 au total) ont le dessous des folioles velu, mais seulement quelques-uns sont munis de poils épars dans les inflorescences. Par contre, la présence de glandes pédicellées ou non est fréquente. De grandes différences d'un spécimen à l'autre dans la distribution de celles-ci, la taille des feuilles, celle des fleurs ainsi que leurs couleurs et la duplicature des corolles, donnent l'impression que l'on a affaire à 23 formes différentes.
Une grande homogénéité existe cependant dans la couleur claire et terne des deux faces des folioles et celle, pâle des aiguillons; les pédicelles sont grêles et peu rigides, plutôt longs par rapport à la taille des boutons, 2 à 3 fois plus longs en proportion que chez le R. multiflora du Japon, et forment un angle plus fermé avec les tiges principales; l'articulation est peu marquée, contrairement à chez R. multiflora, qui montre souvent un épaississement notable à cet endroit; les inflorescences forment des corymbes pas toujours très fournis. Cela laisse l'impression d'une population "semi-cultivée" d'origine régionale (George Forrest utilise souvent l'expression "semi-cultivated" pour ses spécimens de R. chinensis récoltés dans la même région), mais très variée et où les hybridations avec d'autres espèces ne sont pas à exclure 8. Cultivant depuis bien des années des roses botaniques ou horticoles de la section des Synstylae, j'ai pu me rendre compte (pour mon plus grand plaisir) de leur spontanéité à se ressemer et à s'hybrider entre elles.
Rosa cathayensis ne semble en tous cas pas avoir été décrite à partir de l'étude statistique à grande échelle d'une population sauvage.


... détour par l'Indochine !

Il doit bien y avoir une origine botanique à la pilosité abondante de rosiers des colonies et de la var. carnea (je cherche toujours une origine dans la nature avant de penser à une mutation). On peut bien sûr se heurter à l'écueil qu'une même plante soit plus ou moins velue suivant les conditions climatiques sous lesquelles elle est cultivée. Mais si seule la chaleur développe la pilosité dans le cas qui nous occupe, pourquoi la var. carnea de Redouté, cultivée sous le climat tempéré de la région parisienne aurait-elle été si velue si elle descendait d'une espèce (Rosa cathayensis) demeurant glabre dans des régions bien plus chaudes du Yunnan ou du Setchouan ? Après de petits détours par la section Bracteatae, aux poils si semblables, je replonge dans le groupe de R. moschata, qui comprend des choses très hétéroclites dans l'herbier Crépin, souvent pubescentes mais moins densément et avec des poils moins longs. Explorations sans succès. Sans y croire, j'aborde alors un paquet contenant entre autres R. soulieana et R. wichuraiana, ... et je trouve Rosa tunquinensis Crépin !
Boulenger, dans sa "Révision des roses d'Asie de l'herbier Crépin" place à la transition entre musqués et multiflores cette espèce décrite par Crépin à partir de matériel provenant de l'extrême sud de la Chine et du nord de la péninsule indochinoise. Ici les formes sont variées mais particulièrement velues 9; il y en a à fleurs semi-doubles roses ou rouges. La ressemblance avec les roses des colonies et aussi R. beauvaisii est flagrante, bien qu'ici les boutons soient plus allongés et fassent effectivement penser au groupe de R. moschata. Les appendices latéraux bien présents et elliptiques -alors qu'ils sont étroitement elliptiques à linéaires chez R. cathayensis- renforcent encore l'impression de ressemblance avec R. moschata, mais il s'y ajoute un sommet un peu élargi, presque de la même forme 10.
Boulenger décrit également de ces régions ses R. cardoti et R. lecomtei, également velues et qui en diffèrent par la glandulosité de certaines parties de l'inflorescence, détail pouvant être variable au sein d'une même population... Mais on trouve aussi dans ce matériel des formes à petites fleurs blanches simples, des haies près de Hanoï et du mont Lan Mat, dans le Tonkin occidental, qui donnent l'impression d'être plus primitives, et peut-être proches des populations sauvages locales. Se
rapprocherait-on cette fois de l'origine géographique et botanique des roses qui ont apporté cette pilosité ?
Il ne faut pas oublier que sur les cartes de la biodiversité à l'échelle planétaire, ces régions et encore plus les chaînes montagneuses qui marquent la limite entre l'actuel Laos et la Thaïlande sont représentées en rouge foncé !!! Cela signifie que la diversité y est maximale et qu'on s'attend encore actuellement à y découvrir des centaines d'espèces inconnues de végétaux et d'animaux. Pourquoi pas donc de nouvelles roses et même des espèces clés pour la compréhension du genre et des ses cultivars anciens !
Des herbiers récoltés plus récemment, dans les années 1970 à Java lors d'une expédition japonaise montrent une forme velue à fleurs simples roses morphologiquement intermédiaire entre R. tunquinensis et R. beauvaisii. Peut-être s'agit-il de plantes naturalisées dans une région de plateaux vers 2000 m d'altitude, mais si ce n'est le cas, le genre Rosa aurait donc largement dépassé l'équateur. Vu le mode de dispersion de ses graines à longue distance, et la distribution de divers autres genres d'origine tempérée dans ces régions (Rhododendron, Hydrangea, ...), cela n'aurait rien d'étonnant.


 

Dernière minute !!!

De passage ces derniers jours dans les multiflores de l'herbier Crépin pour y inventorier tout autre chose, je retombe par hasard sur les chemises consacrées aux multiflores cultivés et y découvre des spécimens envoyés à Crépin de la Villa Thuret, à Antibes par Maurice de Vilmorin. Ils lui ont été envoyés de Chine par des missionnaires, sont velus et .....très remontants 11 !!! Leur port n'est pas décrit, mais ils ressemblent fort à la rose à petites folioles du Costa Rica et de Madère, avec juste les boutons un peu plus pointus et des appendices plus prononcés (influence du R. tunquinensis ?). Or, Thory écrit ceci pour la var. carnea : "... ce n'est que quatre ans après au mois d'août 1812, qu'il a donné ses fleurs dans le jardin de M. le docteur Cartier ..." Plus loin, il signale aussi : "... On doit les garantir du froid par de bonnes couvertures; car M. Delaunay fait remarquer, dans son bon jardinier, que les gelées des mois de novembre et décembre 1812 ont détruit partout, à Paris et dans les environs, les greffes et les francs-de-pied qu'on avait laissés en pleine terre..." Cette faible rusticité n'aurait-elle pas précisément pour cause la provenance géographique très méridionale de la var. carnea ?

Il semblerait que ça et là, en Afrique du sud et ailleurs on rencontre encore actuellement de très vieux rosiers multiflores velus à floraison perpétuelle. J'espère pouvoir en parler dans le prochain bulletin où je sais déjà qu'il figurera des informations supplémentaires sur R. cathayensis; le type et d'autres herbiers venant de l'Arnold Arboretum sont bel et bien en route pour Meise, je viens d'en recevoir
confirmation.


Notes

1. Des roses telles que 'Buff Beauty' ressemblent beaucoup à R. beauvaisii. En fait, morphologiquement, dans les "Pemberton" on détecte surtout l'influence de R. gigantea et de ces rosiers du groupe cathayensis / tunquinensis qui doivent être intervenus à plusieurs reprises dans leur genèse en même temps que d'autres choses, dont R. moschata et peut-être de vrais multiflores d'origine japonaise. La complexité de la question ne date pas d'hier et elle n'a pas été initiée en Occident; voir aussi note 8 à ce sujet.

2. Chez les Rosa, une pilosité dense, villeuse ou laineuse étendue à l'inflorescence, à l'hypanthium, voire aux sépales semble être caractéristique de l'Asie méridionale. On la retrouve dans les Synstylae chez R. longicuspis entre autres (bien que celle-ci fait penser à une introgression des Chinenses dans les Synstylae), mais aussi chez certaines formes de R. cymosa de la section Banksianae, chez R. bracteata et clinophylla de la section Bracteatae, chez R. sericea (variation individuelle au sein des populations). Rosa rugosa présente aussi ce caractère sur ses tiges, entre les aiguillons (lien phylogénétique avec les Bracteatae?)

3. Concernant ces roses des colonies et des routes maritimes, l'Amérique centrale et les Antilles étaient des étapes courantes au retour des Indes, pour éviter le pot au noir du Golfe de Guinée; d'autre part, le Père Labat signale dans son "Nouveau voyage aux isles de l'Amérique", début XVIIIe siècle des échanges déjà fréquents de plantes cultivées entre les colonies de l'Atlantique et de l'Océan indien.

 

4. Un rosier vivant d'origine oubliée trouvé grimpant très haut dans un noyer en Belgique chez Jelena de Belder semble correspondre à cette variété, mais ses fleurs sont blanches ... Jelena de Belder, actuellement vice présidente de la R. H. S., horticultrice spécialisée dans les ligneux (spécialiste mondiale des Hamamelis) a voyagé et fait beaucoup d'échanges avec l'Asie depuis les années 1960.

5. Des rosiers vivants proches morphologiquement de Rosa beauvaisii, l'un trouvé récemment en Corse par mon ami Jan Balis, auteur dans les années 1960 de diverses exposition à la Bibliothèque royale Albert 1er, à Bruxelles sur l'histoire des roses et des plantes cultivées; un autre reçu par Odile Masquelier en provenance de l'Inde sous le nom de R.multiflora var. carnea sont en cours d'analyses génétiques à Lyon et semblent identiques entre eux. Ces formes ont des folioles assez grandes, et ne correspondent pas par conséquent à la var. carnea telle que décrite
dans "Les Roses".

6. L'origine japonaise décrite par Thory pour la var. platyphylla ne se base que sur ce témoignage imprécis : "Cette magnifique variété, remarquable par son feuillage et le coloris de ses pétales, a été introduite en France par M. Noisette, chez lequel elle a fleuri au mois de septembre de l'année dernière (1819). Lui-même l'a découverte en 1817, dans le jardin d'un maraîcher des environs de Londres qui l'avait obtenue de graines reçues du Japon, et qui lui a cédé le pied tout entier." Dans Bean (1980), Desmond Clarke qui la compare à la R. multiflora var. 'Grevillei' (décrite dans le Gardener's Magazine de Loudon en 1828 et peut-être introduite du Japon avant 1809 par Charles Greville, l'un des fondateurs de l'Horticultural Society) dit de cette dernière, qui serait encore en culture, qu'elle a des fleurs plus petites et plus nombreuses, mais néanmoins il propose l'appellation collective Rosa multiflora var. platyphylla pour les deux, ... ce qui est peut-être délicat. Thomas évoque l'appellation 'Scarlet Grevillea', qui serait synonyme de 'Russelliana', pour un rosier qu'il dit pouvoir être de la même origine que 'Grevillei'. Les descriptions de morphologie et de couleur des fleurs ne permettent pas de différencier 'Grevillei' de 'Russelliana'; cependant le premier produirait des jeunes pousses vigoureuses peu résistantes au gel, ce qui n'est pas le cas du second. L'illustration de l'inflorescence de 'Grevillei' dans le même ouvrage fait incontestablement penser à 'Russelliana', et ce n'est pas une copie de l'illustration de la var. platyphylla par Redouté, contrairement à l'illustration plus haut sur la même page, qui est une copie de sa var. carnea. 'Russelliana' n'a pas les inflorescences velues, et ses tiges correspondent bien à l'expression de "bramble like texture" (texture de tiges de ronces), décrite par Loudon dans Arboretum & Fruticetum Brittanicum pour 'Grevillei'. Elles sont couvertes d'un mélange d'aiguillons et d'acicules de tailles diverses; peut-être faudrait-il y voir la trace d'une hybridation ancienne avec une espèce d'une autre section (les Cinnamomeae, par exemple), comme on pense que c'est le cas pour les populations de R. maximowicziana, trouvées dans la nature en Corée et en Mandchourie.
'Crimson Rambler', un ancien cultivar japonais, hybride probable entre R. multiflora et R. wichuraiana a aussi été confondu avec la var. platyphylla.

7. C'est peut-être de cette région que provenait une plante non velue décrite par Lindley comme produisant plus facilement des fruits que la var. carnea : "Its fruit has never before been described. For an opportunity of examining it I am obliged to Mr. Lambert, in whose possession is a specimen brought from China by Sir George Staunton, of what is certainly this plant, without the pubescence of peduncles and calyx; which is therefore deciduous." Il faut citer également la forme à fleurs simples signalée en cultures par Thory, bien qu'il n'évoque pas la question de la pilosité : "Ce rosier que nous n'avons pas vu en fleurs, est ici noté d'après le témoignage de M. Noisette, qui nous a assuré l'avoir observé dans le jardin des apothicaires, à Londres. M. Anderson lui en a donné un pied qu'il a multiplié, et qu'on peut se procurer dans sa pépinière. [...] Vulg. Multiflore à fleurs simples."

 

8. Yunnan et Setchouan sont considérées comme le berceau de la culture des roses en Chine. N'examiner qu'une espèce à la fois donne une vision tronquée de la réalité; souvent je me référais au groupe de moschata ou à la section Chinenses et entre autres à des diapositives des herbiers de R. chinensis récoltés par Forrest dans la région. Les stipules laciniées non typiques des Chinenses présentes chez 'Old Blush', ainsi que ses pédicelles grêles et allongés pourraient lui venir de R. cathayensis. Par ailleurs, R. godefroyae Carrière décrite et illustrée sous l'appellation erronnée de R. pissartii ou R. nasturana dans "The Genus Rosa" de Willmott doit être un hybride de R. cathayensis.
Des mutations remontantes et nanifiantes ont été observées sur des Synstylae botaniques; il n'est pas impossible que ce soient elles qui aient amené ce caractère à Rosa chinensis Jacq. Mais si cette dernière est un hybride, ce que la génétique semble confirmer, on doit s'attendre à ne pas retrouver dans sa descendance une image homogène de lui-même, mais plutôt des réarrangements divers de caractères provenant de ses parents.

9. Boulenger dit de la pilosité : "...rameaux couverts d'une pubescence très abondante, s'étendant même sur les aiguillons." Il la rapproche de R. moschata var. dasyacantha Cardot, du Yunnan.

10. Un examen attentif montre des appendices et sommets de forme intermédiaire entre R. cathayensis et R. tunquinensis chez R. beauvaisii , les roses des colonies et celle de Java signalée en fin d'article.

11. Voici le texte intégral dela lettre jointe à l'herbier :

"... Paris, le 28 janvier 1898

Cher Monsieur, le temps et la talent me manquent pour décider au moyen des deux petits échantillons de Rosa microcarpa Lindl. que vous recevrez d'autre part par poste recommandée, si la plante qui les a produits a les titres légitimes à se nommer ainsi ou si elle usurpe! L'apparence barbue, pectinée des stipules me fait craindre que les bons missionnaires de Zi-ka-way ne m'aient envoyé une variété du multiflora Th. Je souhaite me tromper! Je n'ai aujourd'hui que ces deux petits échantillons d'herbier récoltés il y a un mois (à contre saison) mais en mai et au cours de l'été les deux pieds plantés à Antibes pourraient en fournir indéfiniment.

Agréez, cher Monsieur, l'expression de mes sentiments respectueux et bien dévoués.

Maurice de Vilmorin ..."


ivan louette, 2002

 

© ivan louette et Odile Masquelier, 2002.
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