Roseraie
naturelle sans parfum ajouté
Ne faites
pas affront aux roses, ne vous parfumez pas pour visiter
une roseraie !
n.b. En novembre 2004, soit deux mois après la mise
en ligne du présent article, le Beuc (Bureau
européen des unions de consommateurs) et des associations
de cinq pays (dont l’UFC
Que choisir en
France) ont publié les résultats de tests effectués sur plus de 70 produits
parfumés
ou désodorisants destinés au grand public. Ceux-ci confirment
de manière éclatante ce qui suit. Pour une information plus large concernant
les substances chimiques présentes dans notre environnement proche, lire aussi ceci.
Le
scénario qui suit n'a rien de virtuel, il s'est
déjà répété, selon des
modalités chaque fois différentes bien sûr, mais
avec toujours la même saveur de nonsense : un groupe de visiteurs
arrive à la roseraie et parmi eux une ou deux personnes
parfumées, si parfumées que le parfum des roses en
devient à côté presque imperceptible. Au cours de
la visite, j'attire l'attention sur la grande variété des
parfums des différentes roses ; la personne très
parfumée se penche avec
un air dubitatif vers la fleur que je lui
présente et me dit "vous savez, je n'ai pas beaucoup d'odorat.
Mon médecin m'a dit que c'était probablement dû à mon allergie au gluten ; je suis d'ailleurs tellement
allergique à toutes sortes de choses qu'il envisage un
traitement à la cortisone, ..."
Personnellement, j'ai découvert les eaux de toilette vers les
vingt ans, un peu plus tard que bien d'autres de ma
génération mais peut-être aussi à un age
auquel on commence à s'interroger sur les relations entre les
choses. Je les ai découvertes parfois avec délices
(bien que souvent étonné du décalage avec le
discours publicitaire qui les vantait), et ...je n'ai pas manqué d'abuser
de celles que je préférais (là, comme les
jeunes de ma génération !) Mes premiers et discrets
"essais" auraient pourtant dû me servir d'avertissements : j'ai
en effet pu très tôt identifier aisément mon
problème
d'oreille droite bouchée à ma
préférée aux senteurs boisées magnifiques
prise quelques heures plus tôt dans la soirée (1),
ou bien un mal de gorge immédiat accompagné de
légère température à une autre aux intenses
odeurs d'agrumes (2), ou encore une gorge sèche
et la voix rauque à
une troisième évoquant avec trop d'insistance
peut-être le savon de Marseille (3), ...et même
des maux de têtes et nausées à une
excellente huile essentielle de rose longtemps après que j'en aie enlevé le
minuscule flacon de la poche de parka qui la contenait...
Ne
parlons pas des problèmes de sinus et de l'augmentation de la fréquence
des migraines dûs à celles-là et à toutes les
autres !
Charles Baudelaire poète,
essayiste, ...et essayeur de diverses substances soulignait le côté "fatigant" du
parfum. C'est que bien que plus naturels à son époque, ils
étaient déjà composés de substances
concentrées potentiellement actives, qui mélangées
entre elles sans autre souci qu'une certaine harmonie olfactive et sans
tenir compte de leurs éventuelles synergies ou conflits sur le
plan thérapeutique, égaraient déjà notre
organisme dans des réactions aussi désordonnées
qu'éprouvantes. La nature et les effets de chacune de ces
substances naturelles étaient pourtant connus et utilisés
depuis des générations voire des millénaires par
les diverses médecines. Ce n'est absolument plus le cas avec les
molécules nouvelles qui apparaissent chaque année sur le
marché, ... en même temps que se multiplient
"mystérieusement" les allergies y compris à des produits
alimentaires naturels.
Deux
éléments dérangeants, voire potentiellement
dangereux s'y sont
ajoutés :
- la
micro-encapsulation, c'est à dire
l'incorporation de la substance parfumée dans de petites
sphères synthétiques de
différentes épaisseurs qui se dissolvent progressivement
et en prolongent
le sillage (4); imaginez le résultat
...chez un allergique !
En médecine, pour laquelle les micro-capsules ont été inventées, celles-ci
ne
sont
pas
destinées
de
prime abord à prolonger un effet mais à "conduire" le
médicament plus loin en direction de cellules malades qu'il doit détruire
...en essayant de ne pas occasionner de dégâts le long du chemin
!
Même
si les micro-capsules des parfums ne sont pas nécessairement de même
nature que celles des médicaments, elles ont elles aussi théoriquement
la faculté d'emmener les substances toxiques un peu plus loin dans notre
organisme qu'elles le devraient, au niveau de nos appareils respiratoire et digestif.
C'est peut-être l'une des raisons de l'augmentation de l'intolérance
aux parfums chez les asthmatiques ces dernières décennies; l'asthme
n'étant probablement que l'arbre qui cache la forêt des effets nocifs
de cette prolongation et accentuation du contact entre nos muqueuses et ces produits
(et que penser alors du fait que les producteurs d'herbicides et autres pesticides
ont pris à leur tour le train en marche de la micro-encapsulation de substances
qui par définition sont toxiques, ...on vit une époque merveilleuse !!!)
- l'utilisation
de phéromones, c'est à dire
d'hormones de comportement censées accroître le pouvoir
de séduction des parfums.
Aucune étude cohérente n'a été menée à ce
sujet, pas plus qu'au sujet de leurs effets secondaires. Aux U.S.A., l'industrie
du tabac a été lourdement condamnée pour avoir introduit
dans les cigarettes des substances destinées a accroître la dépendance
des fumeurs. Au-delà des questions de santé publique, dans ce cas
aussi bien que dans celui des phéromones dans les parfums, c'est l'idée
même d'induire un comportement chez l'autre qui pose problème. Les
hormones pouvant de plus agir également sur le niveau de conscience même à beaucoup
plus petites doses que l'alcool, elles devraient toutes être réservées à des
usages médicaux et cela sous très haute surveillance.
Viennent
naturellement s'ajouter à cela une vulgarisation
effrénée de l'utilisation des substances
parfumées
(de plus en plus souvent micro-encapsulées
aussi) dans les produit de nettoyage, y compris les savons
vaisselle (au point que n'importe quel thé en
devient automatiquement un "thé citron"), ...et
même
le projet irresponsable autant qu'irrespirable de l'utilisation
de parfums d'ambiance dans les espaces publics tels que
les stations de métro, etc., à l'heure
où on
commence à bien cerner la problématique
du syndrome
d'hypersensibilité chimique multiple et des pollutions
intérieures et
où les pouvoirs publics s'intéressent à l'incidence
de ces dernières sur la santé des populations
...!
Il reste cependant surprenant que dans le cas du tabagisme
on continue à financer des études d'incidence
alors que le principal est connu, tandis qu'en ce qui
concerne l'influence des parfums et en général
des molécules nouvelles qui nous envahissent,
pratiquement rien n'est fait !
Depuis
toujours, dans les restaurants gastronomiques aussi bien que dans
d'autres plus modestes mais bien tenus il arrive qu'une
remarque
soit faite aux personnes trop peu discrètement parfumées,
voire qu'elles soient invitées à s'installer dans
l'espace réservé aux fumeurs. Ces dernières
décennies la puissance des parfums, et le coût des campagnes
publicitaires qui les entourent se sont accrus dans
des proportions inversément proportionnelles à leur
raffinement (soit dit en passant, les spécialistes en communication
considèrent
la publicité pour les parfums comme la plus "ringarde" et
la plus pauvre en idées qui soit).
Autant que dans le cas du tabac, la question posée est celle
de la liberté du non utilisateur, mais aussi celle du respect de
l'autre et de son intégrité, tout simplement.
C'est évidemment
dans la nature, à l'endroit où sa fonction
est vitale que la subtilité d'un parfum de rose
peut être le mieux appréciée. De ce
point de vue, même les roseraies constituent un environnement
relativement artificiel. D'abord, comme dans tout jardin
les plantes y sont agencées en fonction d'un scénario
que nous dictons, qui peut entraîner une accumulation
de parfums à la limite du déraisonnable,
ensuite les senteurs des variétés obtenues
pas l'homme en "font parfois un peu trop" au
niveau de l'intensité et leur prolongation hors
saison peut en arriver à nous saturer.
Tout est question de mesure. Si visiter occasionnellement
une roseraie procure un plaisir indéniable, y travailler
en permanence chez nous au mois de juin par exemple peut
causer quelques problèmes aux personnes aux sinus
sensibles ou à tendance migraineuse. Cet effet peut être
aggravé encore par la présence d'autres arbres
ou arbustes aux fleurs parfumées telles que le tilleul,
le sureau noir ou les seringas à fleurs doubles (ces
derniers allant jusqu'à masquer
le parfum des roses, ce qui n'est pas le cas des formes à
fleurs simples).
Dans notre environnement, une multitude
de choses peuvent sentir de manière subtile, agréable
ou non. Nos facultés d'olfaction et de mémoire étant
liées, une odeur même très légère peut
tout à coup nous transporter "en d'autres lieux, en d'autres
temps". Ce lien avec le souvenir a certainement joué un
rôle éducatif très tôt dans
l'évolution de l'animal que nous sommes, que ce soit pour nous
signaler la présence de nourriture, pour nous avertir d'un
danger ou pour bien d'autres choses beaucoup moins prosaïques. Ne
laissons plus malmener nos sens, sans lesquels il faut le dire la vie
perdrait pas mal du sien !
1. Atteinte qui dégénèrera
en un catarrhe tubaire après chaque rhume qui me demandera deux ans
de soins.
2. Là je n'ai pas insisté longtemps, ma
deuxième
"prise" m'ayant occasionné un état grippal de plusieurs
jours.
3. J'aime justement le "Marseille" pour son côté discret,
...et lui je continue à le supporter tandis que cet avatar a
été le prélude à une période de
plusieurs années de pharyngites et bronchites.
4.On pourrait dire que dans une roseraie il existe un effet
d'"amortissement" (bien que l'accumulation puisse confiner à l'écoeurement),
mais c'est un forestier
qui m'a fait remarquer à combien de centaines de mètres parfois et combien
de temps après son passage on pouvait identifier la présence d'une personne
parfumée ...de là à faire fuir le gibier !!!
ivan
louette, mis en ligne le 7 septembre 2004
mis à jour le 10 janvier 2005
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