Les
primevères créées à la roseraie
environnementale
Pourquoi
nos primevères indigènes ?
D'où proviennent les couleurs variées
de primevères des jardins ?
Question de hauteur
Une belle trouvaille !
Les vieilles primevères lorraines
Pourquoi
nos primevères indigènes ?
Avec
leurs couleurs "carnavalesques" (et donc de saison),
les primevères des jardins à grosses fleurs
(Primula x hortensis) ont été parmi
les premières plantes à peupler mon jardin
privé. En tant que peintre, j'aimais beaucoup ces
taches de vie qu'elles y apportaient. À l'époque
pourtant je m'intéressais déjà aux
plantes sauvages et j'avais introduit dans ce jardin notre
primevère botanique indigène la primevère élevée
(Primula elatior) présente le long des
ruisseaux et dans les sous-bois frais de notre commune.
Cette plante issue de la nature dans mon environnement
direct se comporte vraiment mieux et vit beaucoup plus
longtemps dans des conditions de culture ordinaires que
les horticoles, probablement en raison des critères
et méthodes de sélection de ces dernières.
Ensuite les primevères horticoles et celles de la
nature se croisent spontanément entre elles dans
mon jardin, ce qui apporte un plus sur le plan esthétique.
La raison de ce second point est que notre Primula
elatior est l'un des ancêtres des primevères
des jardins. Parmi leurs autres ancêtres figurent
: - 1° deux indigènes également mais
absentes de notre commune, la primevère acaule (P.
acaulis), à grandes fleurs jaune pâle,
rare dans le Brabant et qui partage le même genre
de biotope que P. elatior (elle est plus orientale
et on commence à la rencontrer plus fréquemment à partir
de la Lorraine, voir aussi plus bas),
et la primevère officinale à petites fleurs
jaune vif (P. veris), adaptée aux conditions
plus sèches et recherchant le calcaire ; - 2° la Primula
juliae, originaire du Caucase aux fleurs naturellement
pourpres.
D'où proviennent
les couleurs variées
des primevères
des jardins ?
D'abord
il existerait semble-t-il de rares populations naturelles
aux couleurs autres que jaunes (blanches, roses, pourpres
ou bleutées). Ensuite les primevères sont
cultivées depuis si longtemps que seules des recherches
génétiques approfondies pourraient déterminer
si d'autres espèces telles que P. juliae (espèces
connue des botanistes seulement depuis le début
du XXe siècle) ont apporté leurs gènes
très tôt dans les formes des jardins.
Question
de hauteur
Dans
les primevères des jardins on classe parfois parmi
les hybrides de P.elatior les formes portant leurs
inflorescences sur une tige élevée de 10 à 15
cm. Si on examine bien le groupe on peut toutefois constater
de nombreuses formes intermédiaires, depuis celles
proches de P. acaulis dont chaque fleur est portée
par une tige individuelle partant du sol. Et en pratiquant
le semis on peut s'apercevoir que la ségrégation
n'est pas toujours claire et que les résultats peuvent
varier fortement en hauteur. L'un des désavantages
des inflorescences sur tige est que le poids des fleurs
peut faire s'incliner ou se courber celles-ci jusqu'au
sol, en particulier suite à un stress en eau dû à une
petite gelée nocturne ou à un coup de soleil.
Dans ces cas-là, la solution est de sélectionner
des formes à tiges résistantes ou à fleurs
de taille réduite. Le spectaculaire faisant partie
des arguments de vente en masse, jusqu'à présent
seule la première solution avait été choisie.
Ce sont encore une fois des surprises issue de mon environnement
proche qui m'ont amené à emprunter la seconde
voie. Aiguisons toujours notre regard donc, mais surtout,
ouvrons notre âme à l'inédit ; la nature,
qui est tout sauf immuable nous en apporte à profusion
!
Une
belle trouvaille !
Au début
des années 1980, sur le chemin de cinq minutes à pied
qui reliera plus tard la roseraie à mon domicile,
j'aperçois un jour dans un petit jardin, parmi des Primula
elatior jaune pâle de toute évidence
transplantées depuis le bord du ruisseau voisin
plusieurs plants de ce qui me paraît en être
une variante à fleurs pourpre rosé. Ayant échangé à plusieurs
reprises des plantes vivaces avec la gentille dame âgée
propriétaire du jardin, je n'hésite pas un
seul instant à sonner à sa porte. À ma
grande surprise elle me dit que ces plantes à fleurs
pourpres sont apparues là toute seules, et surtout
...elle insiste pour que je les prenne toutes !
L'enracinement puissant mais compact des primevères élevées
permet de les transplanter même en pleine floraison, et celles-ci n'en étant
qu'au début, j'en profite pour diviser directement les trois touffes
et obtenir ainsi une quinzaine de plantes qui dès le printemps suivant
(et malgré la pauvreté du sol de mon ancien jardin) deviendront
pratiquement aussi grosses que les trois touffes originelles ! Quel contraste
avec l'inévitable propension à dégénérer
de nos traditionnelles grosses variétés horticoles. Mais quelle
différence aussi dans l'esprit des plantes : aux charmes un peu aguicheurs
de nos grosses naïves horticoles viennent se substituer la discrétion
de petites fleurs d'un pourpre pastel virant au gris bleu en fanant et l'élégance
inimitable de proportions directement issues du botanique. Le feuillage aussi
apporte quelque chose d'harmonieux à l'ensemble ; il est distinctement
bleuté.
Après le transfert des plantes de mon ancien jardin sur les lieux de
l'actuelle roseraie environnementale de Chaumont-Gistoux, je profite de la
vigueur de la variété pour la multiplier à plusieurs centaines
d'exemplaires. Alors seulement elle trouve les conditions propices pour se
ressemer et m'apporte comme récompense de l'avoir mise en valeur d'autres
très jolies surprises : au milieu de semis à fleurs jaune pâle
retournant vers l'espèce originelle, des saumonées, des abricots,
des lilacées, claires ou plus foncées, le tout bleuissant élégamment
comme les originelles, mais surtout un port toujours sur tiges (bien que d'une
hauteur légèrement variable) et de petites fleurs pesant peu
sur celles-ci. Depuis lors, plusieurs générations de semis se
sont succédé, j'en ai offert des graines aux Jardins botaniques
de Montréal et de Genève, j'ai offert quelques plantes à des
pépinières, et en 2003 j'ai commencé à introduire
entre elles dans mes plantations de grosses horticoles à fleurs très
bleues de deux origines différentes. Le loup dans la bergerie peut-être
? Nous verrons bien!
Les
vieilles primevères lorraines
Vers
la fin des années 1990, une amie originaire de Nancy
apporte à ma mère des plants de primevères
provenant du jardin de sa mère. Elles les a toujours
connues s'y ressemant abondamment dans des teintes rose
lilacé, magenta clair, jaune pâle ou blanches.
J'en plante également une dizaine à la roseraie,
ce qui me permet de vérifier dans les deux ans ce
caractère prolifique : Elles se sont propagées
par dizaines dans le gazon en y donnant quelques fleurs
dès l'année qui a suivi leur germination.
Mis à part leur variation de couleur, elles ont
tous les caractères de P. acaulis, l'espèce
indigène en Lorraine. Pas de traces d'inflorescences
groupées sur tiges comme chez nos habituelles primevères
horticoles. Pas de doute, il s'agit bien là d'une
sélection ancienne et vigoureuse de primevères
de jardin, probablement même régionale, ce
qui y ajoute une valeur à la fois sentimentale et
génétique particulière !
Se croiseront-elles un jour avec la sélection à petites fleurs
de notre roseraie ? Je laisserai en tous cas les choses se faire sans interventions
et qui sait, ...cela me donnera peut-être un jour des P. acaulis à petites
fleurs et réduites également dans toutes leurs autres parties
! De vraies miniatures, en somme ...
ivan
louette, mis en ligne le 25 février 2004
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