Roseraie
communale et
développement durable
Conséquence
de la signature par la Belgique des conventions résultant
de la Conférence de Rio sur l'environnement de 1987,
le jeudi 26 mars 1998 la Commune de Chaumont-Gistoux s'est
dotée du premier Plan communal d'environnement pour
un développement durable (P.C.E.D.D.) en Région
wallonne...
La roseraie communale a apporté immédiatement
sa petite graine au projet sous la forme d'une série
de textes affichés sur le terrain depuis lors et destinés
à sensibiliser le visiteur à l'idée d'un
jardin véritablement intégré à
son environnement.
Pas
peut ou peut pas ...?
Ma manière
de travailler correspond à mes convictions, mais elle
n'est que l'une des différentes tentatives pour se
rapprocher du développement durable dans le jardin.
Ne vous attendez donc pas à ce que je vous montre du
doigt parce que vous ne travaillez pas comme cela. Pour moi,
en jardinage comme en toutes choses, ce qui compte avant tout,
c'est le respect de l'autre. Mais, l'autre, ce n'est pas seulement
"les autres"; c'est aussi tout ce qui n'est pas
soi : la nature, par exemple. Je ne dirais pas qu'il est inutile
ou "mal" de se donner des listes de ce qu'on peut
ou ne peut pas faire. Mais le plus important est d'abord d'essayer
d'évaluer à long terme (c'est l'idée
de développement durable) les conséquences de
ce qu'on fait. Ce n'est pas toujours facile et ça demande
parfois une bonne dose de prudence ou de scepticisme vis à
vis de certaines "méthodes miracles".
Une
roseraie sans stress
Dans
notre jardin, ce qui nous stresse le plus souvent, ce ne sont
pas les mauvaises herbes, mais plutôt la crainte du
regard des autres. Ceux qui regardent votre jardin craignent
autant que vous regardiez le leur. Sachez-le bien et montrez
vous accueillants de manière à les apaiser.
Les jardins les plus "impeccables"(*) peuvent être
une cause d'angoisse pour le visiteur. Est-ce bien cela que
nous recherchons au jardin?
(*les
jardins de type "biologique" trop impeccablement
"gérés" peuvent être la source
du même genre de malaise; dans ces deux cas extrêmes,
c'est l'intolérance qui fait le plus de mal).
Le
nom de la méthode
Ici,
nous ne pratiquons ni la méthode "untel",
ni la méthode "machinchose". Cela ne veut
pas dire que nous ne nous en inspirons pas, ou que nous voulons
absolument faire différent pour nous personnaliser
à tout prix! Le risque des noms, c'est qu'un beau jour
ils puissent devenir dans notre esprit comme des incantations,
ou des "conseils d'amis" auxquels on n'ose plus
déroger. Et cela au point qu'on en oublie même
les buts et les contenus réels des techniques que ces
noms désignaient au départ. En jardinage comme
en toutes choses, rester ouvert et curieux, travailler à
garder son libre arbitre et son esprit critique, aident beaucoup
à s'améliorer. N'oublions pas non plus que la
patience que le jardin nous apprend peut nous être bien
utile ailleurs.
Les
engrais
Voir
aussi à ce sujet: Le
compost au jardin
Ils sont
en voie de disparition dans la roseraie, le but final étant
de ne conserver que des variétés qui ne les
nécessitent pas. Pour l'instant aucun compost n'est
utilisé(*) non plus si ce n'est celui constitué
par les "mauvaises herbes" se décomposant
naturellement sur le sol; elles ne sont pas évacuées
en raison du gaspillage d'azote et de microbes utiles que
cela causerait. Elles peuvent d'ailleurs constituer un très
bon paillis (à ne pas confondre avec une couche destinée
à éviter la repousse des graines du sol), à
condition de ne pas former de tas.
(*n.b.
depuis la rédaction de ces lignes la réalisation
et l'utilisation du compost se développent à
petite échelle, uniquement avec des déchets
provenant de la roseraie elle-même et à destination
des rosiers qui refleurissent, ce qui les rend plus gourmands
en matières azotées).
Les
herbicides
Ils ne
sont pas utilisés ici en raison de leur toxicité
pour l'homme et pour l'environnement; celle-ci étant
difficile à justifier dans le cadre de l'activité
de loisirs que représente le jardinage. Il faut savoir
en effet que les petits jardins privés représentent
une part importante de la pollution des nappes phréatiques.
L'agriculture n'est donc certainement pas la seule cause de
ce genre de nuisances. Les méthodes de travail de la
roseraie communale ne font que précéder la législation
européenne qui va devenir beaucoup plus rigoureuse
dans les prochaines années en ce qui concerne les pesticides
à usage domestique.
Les
pesticides
Vues
avec d'autres yeux, les maladies de plantes ne sont en fait
que des informations sur leur état d'équilibre
avec leur environnement. Ces maladies sont aussi des phénomènes
naturels; il ne faut pas les "diaboliser". Elles
peuvent être favorisées par l'abus d'engrais
(en particulier les nitrates). Les ravageurs tels que pucerons,
limaces, nématodes, etc. sont à considérer
de la même manière. Le puceron du rosier se combat
très bien avec une savonnée (celles à
base de savon pur ou de produits vaisselle-main biologiques
étant les moins polluantes), mais agir en prévention
est inutile. Il ne faut pas s'attendre non plus à le
voir tomber foudroyé; son asphyxie progressive demandant
deux à cinq jours. Sur la plupart des rosiers arbustifs
ou grimpants, la présence de pucerons n'occasionne
aucun dégât, et elle peut être diminuée
par des plantes telles que la lavande. Au niveau de la toxicité
des pesticides, mêmes remarques que pour les herbicides.
Outils
et méthodes
Pour
le désherbage, la classique rasette se justifie rarement,
parce qu'elle fait mal au dos et que son rendement est très
faible. Les outils à pousser, par contre assurent un
rendement optimal, à condition que le manche soit assez
long pour ne pas devoir se baisser. En sol argileux, il est
nécessaire de répandre en surface 5 cm de sable
(éventuellement avec du terreau).
Certains sécateurs à longs manches peuvent faire
gagner beaucoup de temps et éviter les blessures avec
les rosiers. Il en existe de différentes longueurs
(1 m environ est idéal pour élaguer l'intérieur
des arbustes.) Les modèles à tringlerie interne
et munis d'une pince sont à conseiller, plutôt
que les échenilloirs actionnés par une ficelle.
Les
mauvaises herbes
Ces plantes
existaient bien avant que nous leur donnions ce nom. Elles
existaient même bien avant nous. Encore maintenant,
beaucoup d'entre elles sont utilisées pour leur propriétés
médicinales, et certaines ont un goût merveilleusement
original! Je pense par exemple au Glechoma hederacea ou "lierre
terrestre", dont les jeunes pousses mélangées
avec de jeunes feuilles de cassis et de mélisse donnent
un condiment acidulé très raffiné pour
les curries (en remplacement des feuilles de coriandre). Respectons
les "mauvaises herbes"; donnons leur au moins en
toute loyauté une chance de revenir nous taquiner de
temps à autre. Car le saviez-vous, ce sont les "mauvaises
herbes" qui cultivent le jardinier!
Cachez
ce sol que je ne saurais voir
Les plantes
couvre-sols peuvent convenir aux rosiers à condition
de retenir: 1° que les plantes moyennes à grandes
étouffent les rosiers petits à moyens, 2°
qu'il peut y avoir compétition pour l'utilisation des
éléments nutritifs du sol, 3° que les rosiers
sensibles aux maladies dues à l'humidité (rouille
et maladies bactériennes), comme les "albas",
n'aiment pas! Les fumiers et composts semblent convenir (dans
des sols pas trop sablonneux) en particulier aux variétés
remontantes à grosses fleurs (hybrides de thés,
floribundas, rosiers anglais, portlands, ...) Les couvertures
(mulchs) d'écorces de cônifères ont l'inconvénient
de polluer le sol par leurs phénols (ce sont eux qui
ont un effet désherbant), qui vont parfois jusqu'à
tuer les rosiers; les copeaux de feuillus peuvent être
très bénéfiques, mais ne sont que peu
désherbants (mécaniquement et non chimiquement),
et il vaut mieux en ajouter chaque année plutôt
que de les épandre en trop grosses épaisseurs.
La prudence est de mise avec les produits exotiques provenant
par exemple du coco ou du cacao, car ils peuvent ramener dans
nos jardins de grosses quantités de pesticides parfois
même interdits chez nous (et éventuellement exportés
par nos propres industries!) Mais le couvre-sol est-il nécessaire
au petit jardin, ou s'agit-il seulement d'une question de
look branché?
Mulch
et campagnols
Pour
l'hiver, on conseille en général d'enlever le
mulch, entre autres parce que la terre nue découragerait
les campagnols. Ces rongeurs de la taille d'une taupe (parfois
plus gros) contribuent dans la nature à mélanger
à la terre la litière constituée par
les débris végétaux (on constate qu'ils
le font et que c'est utile, mais ça ne veut évidemment
pas dire qu'ils sont "programmés pour"; et
puis d'autre part, ils ne sont pas les seuls à le faire.)
Lorsqu'ils sont trop nombreux et qu'ils ne trouvent plus que
cela, ils peuvent manger les racines des rosiers. Un usage
trop systématique du mulch peut donc contraindre à
utiliser les grands moyens périodiquement pour les
éliminer. Pourquoi ne pas essayer de vivre plutôt
en bonne intelligence avec eux en ne les favorisant pas trop?
Les
noms des sentiers de la roseraie
Chaque
allée portera dans l'avenir le nom d'une plante qui
croît spontanément à proximité.
Souvent dans les lieux publics, ou près des écoles,
on plante des jardins de "simples" dans un but éducatif
(les simples sont des plantes sauvages, médicinales,
alimentaires ou non.) On pourrait bien sûr en ajouter
quelques unes, ...mais pourquoi ne pas utiliser d'abord la
réserve de diversité végétale
dont nous disposons sur place? Savez-vous par exemple que
trois sortes de groseillers, du houblon, et même des
orchidées ont poussé tout seuls dans la roseraie?
Observer ce qui pousse spontanément apprend bien plus
sur la nature que de se contenter de planter. Au début,
on voit germer, puis les premières feuilles apparaissent.
Quelle sera cette plante; fleurira-t-elle dans l'année,
sera-t-elle vivace? Des "copinages" entre les différentes
sortes de plantes deviennent apparents; puis on s'aperçoit
que les "copines" se réunissent dans un coin
qui leur plaît, et on se demande pourquoi il leur convient.
Hé oui, la nature n'est pas que désordre! Attention,
car c'est là que s'enclenche l'engrenage de la connaissance!
Les
roses et la pluie
Les statistiques
montrent qu'en Belgique, le mois de juin est souvent l'un
des plus pluvieux de l'année ...! Comme c'est aussi
celui de la principale floraison des roses, le climat de notre
pays est le meilleur test de résistance qu'on puisse
rêver. Mais le pire est peut-être dans la succession
de pluies et de soleil. Néanmoins, certaines roses
de nos anciens "Pays Bas" (ils s'étendaient
jusqu'à la Flandre française), telles que la
rose de Cels, figurée dans Redouté supportent
tout. Dans les plus modernes, 'Phyllis Bide' et 'Ghislaine
de Féligonde' tirent leur aiguillon du jeu, tandis
que 'Petite de Terre Franche' et 'Prosternation', deux inventions
de notre roseraie, se débrouillent pas mal du tout.
On compte actuellement plus de 40.000 variétés
de roses; pourquoi vouloir s'obstiner à cultiver ici
des variétés non adaptées?
Croisements
de hasard, semis spontanés
Voir
aussi à ce
sujet: Les roses créées
à la roseraie communale
Les rosiers
ne sont pas racistes! Lorsqu'un bourdon, une abeille ou quelqu'autre
insecte leur amène du pollen, ils sont toujours prêts
à dire: "Essayons voir si ça colle; ...peut-être
bien que ça nous fera de beaux enfants." Et moi,
sans avoir eu besoin de féconder, je récolte
les fruits de ces belles et en sème les graines dans
des pots qui resteront dehors tout l'hiver. Au bout de quelques
années de soins et après quelque sélection,
je vois s'épanouir des 'petite de Terre Franche', 'prosternation'
et autres 'fontaine des loups' (une grande nouvelle, grimpante,
aux opulents bouquets de fleurs semi-doubles blanches, moëlleuses
comme de la crème, ...et parfumées.) Il m'arrive
même d'être fainéant au point de laisser
les oiseaux manger les fruits et semer pour moi des 'ma basanée',
'coriandre', 'Jan Balis', 'surprise de 'Terre Franche' et
autre 'muscadelle' (une autre grimpante, à l'allure
souple et nonchalante et à l'intense parfum de musc;
ses fleurs en grappes à cinq pétales blancs
translucides montrent un gros coeur doré proéminent.)
Que rêver de plus qu'un travail d'inventeur de beauté,
en prise directe avec la nature et toute sa fantaisie?
Rire
et développement durable
L'une
des questions posées par les protagonistes du roman
d'Umberto Eco Le Nom de la Rose, était de
savoir si un jour, le Christ avait ri!
Par ailleurs, dans le même roman, le moine responsable
de la très riche bibliothèque de l'abbaye, s'opposait
par tous les moyens à ce que ressorte au grand jour
la seule copie manuscrite d'un ouvrage d'Aristote traitant
du rire. Humour et rigueur peuvent très bien faire
bon ménage; il n'y a par exemple aucune raison valable
pour qu'on nous impose une image aigrie ou agressive de la
protection de la nature et de notre environnement. L'humour
peut aider à expliquer les choses et occasionner des
réactions bien plus saines que l'agressivité.
À réactions saines, résultats
peut-être plus viables!
ivan
louette, 2002
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