Expliquez-moi pourquoi ? Oui, expliquez-moi pourquoi bon nombre de nos
contemporains acceptent le jaune des plantes longuement agonisantes pulvérisées
aux herbicides, alors qu'ils refusent de voir jaunir les feuilles des plantes
dans leurs parterres et que pour cette raison ils plantent à plusieurs
reprises durant l'année des annuelles auxquelles ils ont donné comme
cahier des charges de fleurir ou de mourrir !
Le jaune des plantes détruites aux herbicides parfois on s'imagine
qu'ils ne le voient plus jusqu'au jour où on se rend compte qu'en fait
il les rassure de la même manière que la fausse odeur de propre
de l'eau de javel (pourquoi sinon accepteraient-ils des semaines durant ces
festons d'herbes mortes séchées le long de leurs bordures). Parfois
on se demande même si l'odeur de chlore des anciens désherbants,
par analogie avec celle de l'eau de javel ne les a pas mis sur la voie de l'acceptation,
puis de l'intégration des herbicides dans leur quotidien. Une "voie
de la propreté" bien dévoyée que celle-là,
...et une voie de garage assurée de la connaissance de la réalité.
Les mêmes vous diront que pour eux les plantes jaunissant ou brunissant
dans leurs parterres, ça les fait penser à la mort ! Les mêmes
peut-être, refusant d'accepter que tout est transitoire tuent donc les
saisons pour oublier la mort. Peut-être que pour eux peu importe qu'ils
la donnent cette mort, ...pourvu qu'ils la donnent, eux, à un moment
qu'ils prétendent choisir. Peut-être qu'ils oublient qu'à tuer
les saisons ils génèrent un ennui, qui les contraint ensuite
...à massacrer le temps !
Jaunies naturellement, les feuilles des plantes nous informent du partage
qu'elles sont occupées à faire sous nos yeux de leur "corps" avec
les autres plantes les champignons, la microfaune du sol, toute la communauté biologique
des lieux. Ce jaune-là est signe de vie et non de mort.
On tolère les tons de jaune des feuillages des
arbres à l'automne,
peut-être parce qu'ils sont des arbres et que leur grandeur, la dureté de
leur bois nous en impose. Pourtant insidieusement on leur mène aussi
la vie dure avec les poisons mêmes qui rendent propres nos bordures,
jusqu'au jour ou eux aussi en périssent, un article publié récemment
dans notre plus grande revue agricole en témoigne. Veut-on les faire
mourir à leur tour d'être plus grands, plus forts, et de vivre
plus vieux que nous ; veut-on les faire crever parce qu'à cause de
leur beauté on
s'est laissés aller à aimer les saisons, à accepter
le temps ?