Moins
vert que moi, tu meurs !
Ou
le gazon vu d'un peu plus haut que le ras des pâquerettes
avec pour objectif un développement durable
Parmi
les nombreuses pressions que nous exerçons sur l'environnement
et sur la biodiversité, les pelouses ne sont
pas quantité négligeable. Elles sont de plus
en plus nombreuses, y compris dans les petits jardins,
dans de nombreux cas traitées avec ce qu'on nomme
pudiquement "engrais sélectifs", c'est à dire
un mélange polluant d'engrais et d'hormones de synthèse
destinées à ralentir la croissance de ce
qui n'est pas gazon, voire à tuer simplement les
dicotylédones.
Notre intention n'est pas de vous inciter à proscrire
le gazon, mais de vous aider à prendre vos responsabilités
environnementales en connaissance de cause. Le bien-être est souvent question
de mesure(s), qu'ils s'agisse, de chaussures, de vêtements
...ou de gazon (c'est l'idée du gazon
de confort) ; c'est
aussi souvent quand l'ostentation, ou la démesure
de l'inutile deviennent convention (le gazon
de prestige) que notre
planête se met à souffrir de nos "petites"
habitudes.
n.b.:
les espaces de gazon à fonctions techniques particulières
(par exemple industriel ou sportif) n'entrent pas dans
le cadre de cette réflexion simplement parce qu'ici
nous parlons de jardins et que de toutes façons
nous manquons des données techniques les concernant.
Cela ne signifie pas qu'ils échappent aux considérations
environnementales.
Par contre il est évident que ce qui suit pourrait s'appliquer aux vastes
espaces de gazon de prestige environnant les entreprises, les administrations,
etc. et qui constituent de toute évidence des jardins (voir au sujet
de ces derniers l'observation suivante, ...une idée à creuser
!)
Le gazon
c'est quoi ?
Gazon de prestige
Gazon de confort
Qu'est-ce qui pollue ou gaspille dans
le gazon ?
Les trucs pour polluer et gaspiller moins
Les pratiques de notre roseraie
L'impact sur la biodiversité
Le
gazon, c'est quoi ?
Avant
toutes choses, il est entendu ici par gazon une surface
d'herbes, principalement de graminées maintenues à une
hauteur maximale décidée par l'homme en fonction
de ses propres critères, esthétiques ou autres.
Le socio-économiste américain de la charnière XIXe / XXe siècle
Thorstein Veblen y voyait une évocation des pâturages. La possession
de grandes surfaces pâturées dénotant celle d'un cheptel important,
on pourrait presque se demander si les chevaux-vapeur (pardon, les kilowatts)
de nos puissantes tondeuses ne constituent pas un substitut à ce
cheptel dans notre inconscient !
Gazon
de prestige
La pelouse
de prestige est peut-être l'endroit du jardin où l'homme
expose et revendique le plus ouvertement (forcément
la pelouse est un espace ouvert ...) la pression qu'il
exerce sur la nature. Il y fait le vide, table rase pour
n'y planter qu'une seule sorte de plante (bonjour les dégâts
pour la biodiversité !) L'énergie qu'il y
dépense est proportionnelle au prestige qu'il croit
pouvoir en tirer, cette dépense non "utilitaire" étant
aussi pour lui le signe extérieur de sa condition
socio-économique (réelle ou imaginaire).
Gazon
de confort
La pelouse
de confort pourrait être l'expression d'un besoin
qui a toujours existé lui aussi, celui d'un cocon,
qui selon l'individu peut commencer aux vêtements,
ou à l'espace du lit et s'étendre jusqu'à une
certaine distance de son corps. C'est un espace de transition
qui nous rassure en nous apportant une sensation de
maîtrise (bien virtuelle néanmoins)
de notre distance à la nature.
Qu'est-ce
qui pollue ou gaspille dans le gazon ?
- d'abord
il ne faut pas l'oublier, la fabrication des tondeuses
qui, en même temps qu'elle pollue et génère
des déchets
engloutit matériaux, énergie
de la chaine de fabrication des pièces et du montage,
etc. Ensuite toutes les pollutions et dépenses d'énergie
liées à la
manutention et à la commercialisation du produit
fini doivent
être prises en compte également comme dans
toute production ;
- l'aménagement
préalable du sol, avec tout
ce qu'il peut comporter : le transport
parfois de très loin et la mise en oeuvre de la
terre, l'ajout de tourbe ou d'autres matériaux prélevés
dans la nature dans des conditions qui ne la laissent pas
intacte, l'énergie dépensée par les
engins de terrassement et les pollutions qu'ils génèrent,
etc. ;
- les
engrais et autres additifs tels que les herbicides sélectifs
ou les contrôleurs de croissance, qui en plus de polluer
l'environnement immédiat
ou les eaux souterraines à partir de leur lieu d'utilisation
les polluent aussi en amont sur leur lieu de fabrication
ou à l'endroit
où on
stocke les résidus ultimes liés à celle-ci, éventuellement
même plus volumineux que le produit final utilisé par
le jardinier (voir aussi à ce sujet les
plantes annuelles au jardin). Cela en plus de l'utilisation
de matières premières éventuellement
non renouvelables et des questions de manutention ;
- la
tonte enfin, qui est très souvent mal évaluée
(périodes, hauteurs de tonte, etc), et qui en plus
de dépenser une énergie souvent disproportionnée,
génère
la plupart du temps des gaz d'échappement et du
bruit.
Les
trucs pour polluer et gaspiller moins
- favoriser
de petits espaces localisés de pelouse de confort
plutôt que de grands espaces de pelouse de prestige
;
- tondre
plus court et plus souvent les surfaces où l'on
marche fréquemment, et plus long et moins souvent les surfaces
où jouent
les enfants, ...et où ils pourront ainsi tomber à leur
aise et sans se faire mal ;
- tondre
en fonction des besoins et non à date fixe ;
- ne
jamais tondre au minimum de hauteur de la lame, car
cela entraîne des dépenses énergétiques
supplémentaires en raison de la proximité de
la partie dure des tiges du gazon (certaines variétés
de gazon permettent évidemment de tondre plus bas
que d'autres, mais évidemment s'il faut en arriver à l'utilisation
des herbicides sélectifs pour leur gestion, cela
pose un autre problème environnemental) ;
- aiguiser
sa lame de tondeuse de temps à autre pour moins
d'efforts à la coupe et moins de tentation de repasser
au même endroit ;
- utiliser
une tondeuse qui recycle le gazon sur place (tondeuse mulcheuse)
;
- utiliser
une tondeuse électrique, car moins de pollution,
moins de bruit. Les tondeuses électriques sur coussin
d'air par exemple recyclent bien le gazon coupé et
on peut leur faire tondre rapidement des surfaces assez
grandes si on prend les précautions précitées
de hauteur de lame et d'aiguisage. Il ne faut pas négliger
non plus qu'une tondeuse électrique c'est également
moins de ressources énergétiques mises en
oeuvre pour sa fabrication, moins de volume et de poids à manipuler
et transporter pour sa distribution (donc moins de consommation énergétique
de ce côté-là aussi).
n.b.
Il existe également différents systèmes
de tondeuses électriques autonomes silencieuses
qui gèrent les pelouses en continu ; elles peuvent
venir s'alimenter d'elles mêmes à une borne
reliée au secteur ou bien être alimentées
par l'énergie solaire. Si elle est bien maîtrisée,
la consommation énergétique des tondeuses
reliées au secteur peut avoisiner celle d'un frigo
domestique, mais il est toujours utile de comparer les
différentes solutions en fonction de ses besoins
réels.
- créer
des espaces de prés éventuellement fleuris
et plantés de bulbes, à faucher deux ou trois
fois par an ;
-
pour des surfaces moyennes, ne pas oublier les prairies
gérées
par de petits animaux domestiques tels que les oies (toutes
les espèces ne sont pas bruyantes) et pour les plus
grand espaces, les moutons. À
condition
bien entendu de ne pas confondre ces êtres vivants avec
de simples "machines" à tondre
!
- Enfin
comme pour toute activité de jardinage, concevoir
l'ensemble en fonction du volume de déchets verts
qu'on pourra recycler sur place (la question ne se pose
pas dans le cas des tondeuses mulcheuses) ou en tous cas
gérer à l'intérieur
de l'enceinte du jardin sans avoir à les exporter.
Les
pratiques de notre roseraie
Mis à part
ses sentiers, la roseraie comporte peu de surfaces engazonnées.
Depuis le courant de l'année 2003, une gestion raisonnée nous
permet de tondre exclusivement à l'électricité tout en
limitant drastiquement le temps consacré à la tonte et en épargnant
le matériel. Pour mi-mars à mi-novembre, la moyenne des sentiers
du centre de la roseraie par exemple (partie verger) devrait avoisiner au maximum
1 h 15 à 1,5 Kw heure par semaine, et cette saison elle a naturellement été beaucoup
moins élevée en raison de l'été sec. Or il faut
savoir que par le passé cette moyenne s'élevait à environ
4 à 5 h semaine.
- La
tonte s'effectue à vitesse de marche, sans insistance
et en repassant le moins possible aux mêmes endroits "en
tondant" pour de simples questions de déplacement
; pour cela la tondeuse est débranchée (par
souci de sécurité) et portée pour aller
d'un point de départ
de tonte à un autre (elle n'est pas lourde et ça
fait un peu d'exercice, mais en plus ça permet de
gagner du temps) ;
- le
milieu des sentiers est tondu en moyenne une fois toutes
les deux semaines 0,5 cm plus haut que la hauteur minimale
de tonte, et ce uniquement sur une largeur de tondeuse
;
- les
bords des sentiers sont tondus en moyenne une fois par
mois 1,5 cm plus haut que la hauteur minimale ;
- les
autres parcelles sont tondues environ toutes les trois
semaines 1 cm plus haut que la hauteur minimale ;
- le
dressage des bordures est manuel lorsqu'il se fait (voir
aussi à ce sujet la question des limites dans "Roseraie
communale et développement durable 2003").
Dans l'avenir, pour ce qui concerne la partie centrale,
il sera ponctuel et tributaire de l'entretien des parcelles
plantées, lui-même en évolution.
L'impact
sur la biodiversité
Le fauchage
tardif, même en miniature, ça marche ! Encore
vaudrait-il mieux parler ici de "fauchage ou de tonte
différenciés". Un centimètre,
voire un demi de différence de hauteur de tonte,
et des périodes différentes favorisent forcément
d'autres plantes et d'autres petits animaux.
Tondre sur coussin d'air a l'avantage de n'exercer aussi qu'une "caresse" sur
ce petit milieu en forme de tapis. Par contre, les roues d'un tracteur-tondeuse
ne font pas dans la dentelle, qu'elles débordent ou non des bordures
: escargots, grenouilles, tritons, insectes ou vers de terre n'ont guère
le temps de réagir (combien de fois ne me suis-je arrêté pour
une grenouille !) Et le sol tassé par les roues n'encourage pas nécessairement
la végétation la plus intéressante, ni le gazon d'ailleurs,
qui demandera une ré-oxygénation du sol plus fréquente
sous forme de scarification.
Le jardinier,
ivan louette
Mis en ligne le 1er décembre 2003
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