Roseraie
communale et
développement durable
2003
Cinq
années se sont écoulées depuis
la publication papier des premiers textes de réflexion sur
les pratiques de la roseraie, qui ont été repris sur ce
site sous le titre de "Roseraie
communale et développement durable". Depuis
lors, des questions fondamentales d'environnement global,
telles que le non aboutissement du Protocole de Kyoto ont
fait ressortir la question de manière particulièrement
dramatique. Que pouvons-nous donc faire à l'échelle locale
ou à titre individuel pour soulager notre planète de quelques
milligrammes de pollution, ...en nous disant que peut-être
l' effet "boule de neige" de l'exemple pourait raffraîchir
quelquepeu l'atmosphère oppressante d'un début de siècle
vraiment peu glorieux.
Des initiatives telles que celle de la Région wallonne
d'encourager ses communes à souscrire au label européen
de gestion environnementale EMAS apportent une lueur d'espoir.
La
roseraie communale veut d'ores et déjà s'inscrire dans
ce genre de démarche et elle a commencé a réexaminer toutes
ses pratiques en conséquence.
Vous
entrez ici dans le jardin de la diversité et de
la tolérance
Ici
on n'a pas fini de rechercher l'équilibre et
c'est cà qui est passionnant ; équilibre entre
l'homme et la nature, entre le cultivé et le sauvage,
l'indigène et l'exotique. Une chose est certaine,
c'est que si on devait caractériser l'équilibre
par un point, on ne pourrait jamais l'atteindre. L'équilibre,
il ressemble plutôt à un banc de sable au contour
mouvant dans le fleuve de l'évolution de ce jardin.
À l'expérience, il est beaucoup plus gratifiant de vivre la dynamique
d'une sélection permanente des herbes spontanées que l'on garde
ou que l'on élimine, que de s'asseoir sur le petit siège pliant
de ses certitudes et de "tirer" en fonction de préjugés
sur tout ce qui pousse (ou sur tout ce qui bouge) de non planté. En début
d'été on se sent parfois dépassé, mais on a le parfum
des roses pour se rassurer. Ses effets "sédatifs" nous permettront
de faire la part des choses.
Grâce à cette attitude ouverte il peut apparaitre des plantes
intéressantes, ou bien des idées d'aménagements peuvent
germer qui seront beaucoup plus en harmonie avec les lieux. Il faut laisser
ceux-ci s'exprimer parfois pendant des années avant d'être en
phase avec eux. Qu'il ait été conçu "clé sur
porte" ou non, un jardin devra toujours évoluer.
C'est
quoi, une mégaphorbiaie ?
En fait,
c'est le prototype naturel et l'idéal philosophique
des "mixed borders" de grandes vivaces tels que
peuvent en raffoler les anglais. Dans la nature on trouve
ce type de groupement de plantes souvent dans des sols profonds
ou simplement frais à humide.
Chez nous, les zones humides accueillent par exemple des "champs" mélangés
de reines des prés, de laiches, de cirses maraichers ; en montagne,
les géraniums peuvent en faire partie et leur apporter de la couleur.
Ce sont en général des groupements d'un nombre limité d'espèces
qui non seulement donnent un aspect esthétique particulier à l'ensemble
mais de plus sont révélateurs des conditions locales.
La "mini-mégaphorbiaie" à Geranium
phaeum croissant dans ce cercle de pavés s'est formée
spontanément. Son histoire est amusante et elle aussi
tributaire des conditions locales, bien que celles-ci aient été partiellement
façonnées par l'homme.
- 1 :
Il y a douze ans, de nombreux épimèdes
et quelques formes de Geranium phaeum sont plantés
dans cet espace dépendant de la roseraie. Deux gros
arbres supplémentaires créent de l'ombre, assèchent
le sol et défavorisent la plantation d'autres choses.Les épimèdes
apportent des colorations de feuillages toute l'année,
et les géraniums fleurissent une partie de la saison.
D'autre plantes sont testées (campanule gantelée,
sanicle, pulmonaires, ...) avec des résultats divers.
Dès
cette époque il réapparaît sur place des
plantes indigènes intéressantes : linaire vulgaire,
compagnon rouge, ...même quelques pieds d'une orchidée
(Epipactis helleborine).
- 2 :
L'avant de la roseraie est arraché suite à l'aménagement
des parkings et l'espace est confié à d'autres
responsables. Ils y plantent en exclusivité un millepertuis à grandes
fleurs, du pachysandre et de la petite pervenche. Les choses
se développent faiblement, le pachysandre qui meurt
presque totalement, ...le millepertuis est malade de rouille.
Les indigènes et les épimèdes mal arrachés
repercent par manque d'entretien, ...et les Geraniums repointent
le bout du nez via leurs graines. Une forte dose d'engrais
bleu est répandue, pour dynamiser le millepertuis,
un reste de pachysandre et la pervenche ; ...ils seront "dynamités" par
la croissance explosive des semis du Geranium phaeum sous
l'effet de l'engrais.
- 3 :
Récemment, l'entretien de cet espace est confié au
service environnement, duquel dépend la roseraie.
Le choix est fait de mettre à profit l'orientation
qu'a prise la végétation et de tester de nouveaux
géraniums pour apporter un peu plus de couleurs dans
cet endroit urbanisé. Entretemps deux des trois arbres
ont été abattus.
Les
géraniums
vivaces
Bien
que de la même famille que les "géraniums" des
balcons (qui sont en fait tous des pélargoniums),
les géraniums vivaces restent pour la plupart au jardin
l'hiver dans nos contrées. Ce sont des plantes originaires
des régions tempérées contrairement
aux pélargoniums qui viennent de zones méditerranéennes à tropicales.
Les géraniums vivaces sont en général peu exigeants sur
la qualité du sol, mais par contre suivant les espèces ils peuvent être
adaptés à des conditions différentes en ce qui concerne
la lumière et l'humidité. L'une de leurs particularités
intéressantes est de ne pas attirer les limaces, ce qui les rend utiles
dans un jardin respectueux de l'environnement.
Avant d'entamer l'obtention de nouvelles roses, différents géraniums
vivaces avaient déjà été créés par
hybridation à Chaumont-Gistoux. 'Philippe Vapelle' (le premier), 'Kashmir
Blue', 'Little Boy', 'Ivan' (nom donné par un ami pépiniériste
hollandais), 'Terre Franche' voyagent depuis longtemps de par le monde (allez
sur Internet et tapez le mot geranium suivi de ces noms dans Google sans les
guillemets, vous serez surpris) et certains d'entre eux sont disponibles dans
des pépinières belges.
Trop
de géranium
nuit gravement à
la santé des rosiers
On ne
sait pas encore pourquoi, mais dans les jardins où il
est présent, le géranium 'Claridge Druce' va
jusqu'à tuer les rosiers dont il colonise le pied.
Ici, le grand églantier à fruits qui le surplombe,
ainsi que Rosa multiflora var. platyphylla en ont fait les
frais. Est-il toxique pour le rosier par les substances qu'il
contient? Favorise-t-il le maintien en place des spores responsable
des maladies du rosier? Toujours est-il qu'il se propage
rapidement par ses semis comme les autres géraniums,
et comme pour la plupart d'entre nous il est moins "dérangeant" à la
vue qu'une ortie, on a tendance à le laisser trop
faire! Parmi les géraniums vivaces il semble qu'il
soit le seul à être aussi néfaste pour
le rosier.
Ceci n'est pas une ortie
Si à distance elle peut en avoir l'apparence, il
s'agit en fait de la campanule gantelée ou "gant
de Notre-Dame" (campanula trachelium). Deux ou trois
pieds de cette espèce sauvage de nos sous-bois frais
avaient été plantés dans cet espace
il y a une quinzaine d'années.
Cette petite population a littéralement explosé ces dernières
années et on en trouve actuellement plusieurs centaines d'individus
ici.
Néanmoins, une certaine variation est apparue : teintes différentes
dans les fleurs (bleu plus clair et blanc), feuillages peu homogènes
dans leur forme et leur coloration, etc. Il s'agit soit d'une conséquence
de la consanguinité due à l'absence d'échanges de pollen
entre ces plantes trop peu nombreuses à leur introduction et les populations
naturelles situées à plusieurs kilomètres, soit du résultat
d'une sélection naturelle qui s'est opérée à cause
d'un milieu différent.
On oublie bien souvent que ces éléments ont joué un rôle
très important dans l'apparition de nouvelles plantes agricoles et horticoles,
...mais que parallèlement à cette instabilité ils ont
introduit souvent une plus grande fragilité.
Allions
nous les orties !
Les
orties coupées ou arrachées avant de
former leurs graines forment une bonne couverture du sol à même
de "fouetter le sang" de vos rosiers remontants
(les autres ne nécessitent pas ce genre d'attention
pourvu qu'ils aient de l'eau en profondeur en été).
Point n'est besoin d'aller les chercher bien loin puisqu'elles
sont présentes
en de nombreux endroits au pied des grands rosiers arbustes et des grimpants.
On peut très bien les laisser pousser là et les récolter
deux ou trois fois par saison, ce qui leur évite de se ressemer. Les
dernières récoltes iront plutôt au compost de manière à éviter
peut-être aux rosiers une trop importante croissance de fin de saison.
Ceci
n'est pas un compost ?
n.b.
Vous trouverez ici une méthode de compostage plus classique
Si,
mais pas dans le sens d'un compost dévolu au
rendement. Ses objectifs sont en effet plus complexes et
complets que ceux d'un compost classique, et on pourrait
l'appeler compost "extensif" par opposition à un
compost classique "intensif".
Entendons nous, il ne s'agit pas d'établir une hiérarchie de
valeurs entre les deux types, mais de préciser que le choix de l'extensif
existe et qu'il peut se révéler adapté à certaines
conditions.
D'ordinaire, pour accélérer la vitesse de décomposition
des végétaux, on broie préalablement ce qu'on jette au
compost. Cela permet d'obtenir un produit utilisable sur moins d'un an. Dans
un tout petit jardin, les végétaux peuvent être simplement
découpés à la main, mais dès que la surface, et
donc le volume de déchets augmentent, un broyeur devient nécessaire,
ce qui a pour inconvénients un usage de ressources énergétiques,
une pollution de l'air si son moteur est à explosion et une importante
nuisance sonore dans la plupart des cas.
Quoiqu'il advienne, il ne faut pas oublier qu'un jardin comprenant des zones
dites "sauvages" génère moins de déchets verts,
car il produit son propre humus sur place précisément grâce à la "litière" composée
de feuilles et branches mortes, ... que le compost vise à remplacer.
Un compost
extensif composé de matériaux
non broyés immobilisera l'espace durant plusieurs
années (4 à 5 ou plus) avant que son produit
puisse être réincorporé au jardin, mais
il sera un véritable acteur de biodiversité et
une partie intégrante du jardin car sa faune et sa
flore seront plus riches que celles d'un compost classique.
Il pourra même héberger une macrofaune intéressante
sous la forme de hérissons qui viendront y hiberner,
d'oiseaux qui y feront leur nid ou éventuellement
de petits canassiers. Ici, nous l'avons mis à un endroit
visible pour bien mettre en exergue à la fois cette
fonction et un aspect qui peut s'avérer intéressant
sur le plan esthétique.
Quelques
règles très
simples :
- comme
tout compost, disposer à plat sur un sol
filtrant ;
- commencer par une couche épaisse de branchages puis
alterner ceux-ci avec des couches moins épaisses de
mauvaises herbes mêlées de terre ou fines de
gazon coupé ;
- ne pas arroser ni couvrir contrairement au compost classique
(le tas doit être exposé aux conditions atmosphériques
normales) ;
- ne pas retourner contrairement à un compost classique
;
- utiliser des matériaux hétérogènes,
y compris un peu de bois mort (bien que celui-ci puisse faire
l'objet d'un autre tas à proximité lorsqu'il
s'agit de
gros tronçons).
Transgressons
nos limites : cultivons nos clôtures !
La question
des clôtures et des bordures est hautement
symbolique : profondément en nous, elles représentent
la limite entre l'homme et la nature. Dans notre culture
occidentale qui s'est répandue de par le monde, on
a eu de plus en plus tendance à affirmer cette limite, à la
rendre tranchée, comme pour marquer d'un trait notre
différence par rapport à cette nature et afficher
ainsi une indépendance en fait parfaitement illusoire
par rapport à elle. Une herbe qui franchit la ligne,
un feuillage qui retombe nonchalament sur la surface nette
du béton, et ça devient "dur-dur" pour
notre petit amour si "propre" ...!
Alors, plutôt que de contrarier la nature par des produits "naturicides" (herbicides,
etc.) nous avons choisi de lui permettre de s'exprimer tout en l'apprivoisant
un peu. Au pied de cette clôture se prépare pour cet automne une
plantation en bande étroite de céréales et de plantes
accompagnant les moissons (on dit plantes "messicoles").
Contrairement à ce qu'on imagine, certaines de ces plantes, comme le
coquelicot peuvent même avoir un rôle utile sur la croissance ou
la productivité de la céréale qu'elles accompagnent.
Des fleurs
en plastique, c'est moins polluant !
Quand
on nous vend une plante, on nous la présente
de plus en plus souvent comme un objet. Aussi, pour qu'elle
continue à ressembler à l'image toute neuve
et pimpante que nous en donne la photo sur l'étiquette
ou dans le catalogue, on nous propose d'acheter en même
temps les "produits d'entretien" ad hoc : engrais,
pesticides, etc ... Le gros prix de l'entretien de ces images
que l'on nous vend, ce n'est pas nous qui le payons, mais
la nature:
- une
biodiversité très réduite
dans les parterres ;
- une
pollution causée par les
excédents d'engrais
et les pesticides "recommandés" ;
- PLUS
ABSURDE ENCORE ! Une consommation énorme de matières
premières,
et de ressources énergétiques non renouvelables pour la fabrication,
la manutention, l'emballage et le transport des engrais et pesticides,
... ALORS QUE LE PRINCIPAL EST DISPONIBLE SUR PLACE !!! (Voir plus
haut ou bien le compost à domicile).
Rien
que les engrais chimiques nécessitent plusieurs fois leur poids
en pétrole pour la transformation des matières premières
nécessaires à leur fabrication ; les étapes initiales,
les plus gourmandes de cette fabrication ont lieu bien souvent dans des
pays où le coût de cette énergie est
moins élevé, mais où le contrôle des pollutions
est également inefficace ou inexistant. Et cela, c'est sans compter
l'impact négatif sur l'environnement
global (l'effet de serre qui nous
préoccupe tous, il vient de ça aussi !) et les populations
locales,
Tout ça
parce qu'on veut que les quelques fleurs de nos parterres
ressemblent "pour l'éternité" à l'instantané qui
en a été pris (dans quelles conditions artificielles
!)
En dernière
analyse, le bilan écologique
des fleurs en plastique serait peut-être plus positif
que celui de la plupart des plantations d'annuelles !
(Mais
non, rassurez-vous, nous n'avons pas l'intention de passer
immédiatement à l'acte
et d'en remplir nos parterres ...!)
Le jardinier, ivan louette
Mis en ligne le 21 juillet 2003
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