La
Rosa multiflora var. carnea
de Redouté et Thory
À la recherche d'une rose "velue"
(publié
initialement dans Roses anciennes en France).
Entre
littérature et nature, ...
... il y a les herbiers !
Voyage aux îles et colonies, ...
... retour en Chine, ...
... détour par l'Indochine !
Dernière minute
Notes
Entre
littérature et nature, ...
Début
XIXe siècle, dans "Les Roses", Redouté
et Thory décrivaient deux rosiers cultivés
provenant, l'un de Chine R.
multiflora var. carnea ,
l'autre peut-être du Japon R.
multiflora var. platyphylla .
Ils les traitaient comme des variétés de R.
multiflora Thunb. Or, cette dernière, décrite
par Thunberg dans sa Flora Japonica de 1784 à partir
de plantes récoltées dans la région
de Nagasaki, n'a été introduite officiellement
en Europe que vers 1860.
Le but
de cette étude était au départ d'essayer
de préciser l'identité botanique et l'origine
géographique de la var. carnea, introduite
hâtivement et dont on pense qu'elle a joué un
rôle important dans la genèse de nos rosiers
cultivés. Elle nous mènera à découvrir
un groupe très diversifié duquel "Les Roses"
de Redouté et Thory, oeuvre phare en son temps rend
mal compte de l'ampleur et de la précocité de
l'introduction, tout au moins dans les colonies !
Redouté et Thory n'ayant pas laissé d'herbiers
pouvant servir de références, voilà donc
un premier obstacle à contourner. En effet, qu'est-ce
qui nous prouve que les variétés distribuées
en pépinières sous les noms de var. carnea
et var. platyphylla sont bien celles décrites
et illustrées dans "Les Roses"?
J'ai mis moi-même un certain nombre d'années
avant de trouver une (ou plusieurs) variété(s)
se rapprochant de la var. carnea (on reçoit
souvent 'Paul's Himalayan Musk' à sa place), et je
suis encore à la recherche de quelque-chose qui me
satisfasse pour ce qui concerne la var. platyphylla
('de la Grifferaie' est la seule chose que j'aie reçue
sous ce nom jusqu'à présent).
Voici
ce que dit Thory de l'origine géographique de la var.
carnea : "Notre rosier croît spontanément
à la Chine, cette contrée délicieuse,
où Flore règne sans rivale; il en a été
rapporté par l'honorable écuyer T. Evans, vers
1804, et a fleuri pour la première fois en Angleterre
dans la pépinière de M. Colville. M. Boursault
l'a ensuite fait venir de Londres à Paris en 1808;
et ce n'est que quatre ans après au mois d'août
1812, qu'il a donné ses fleurs dans le jardin de M.
le docteur Cartier."
...
il y a les herbiers !
La Chine
est grande; presque un continent, avec ses zones climatiques
contrastées correspondant à des flores très
diversifiées. Les "paquets" de l'herbier
Crépin contiennent d'importantes quantités de
spécimens sous l'appellation Rosa multiflora Thunb..
Rien que pour la Chine, on y trouve du matériel très
varié allant de formes pratiquement identiques aux
formes japonaises (principalement du nord-est au centre de
la Chine) à des choses si différentes (au sud
et au sud-ouest) qu'on comprend mal pourquoi Crépin
les a classées avec cette espèce.
Un examen plus général permet cependant de caractériser
au sein de la section des Synstylae un groupe régional
assez homogène à fleurs aux boutons très
ronds et possédant des stipules et des bractées
profondément découpées en lanières.
Ce groupe comprend R. multiflora, R. luciae,
R. wichuraiana, ... et les roses du sud et du sud-ouest
de la Chine classées par Crépin à R.
multiflora.
Voyage
aux îles et colonies, ...
Avant
d'aborder les multiflores, j'avais trouvé dans un autre
herbier à Meise (BR), l'herbier d'Afrique, des roses
étranges qui me faisaient penser
aux "Hybrid Musk", créées par l'ecclésiastique
anglais Pemberton 1 dans la première
moitié du XXe siècle. Ces roses des jardins
des colons, ou naturalisées dans ce coin d'Afrique
(la Tanzanie) avaient aussi des boutons ronds, mais elles
étaient très velues (tomenteuses) sur toutes
les parties de l'inflorescence. Dans mon esprit, une pilosité
analogue bien que moins dense présente chez les Hybrid
Musk était l'une des traces laissées par Rosa
moschata dans leur morphologie. Ou bien alors, ces poils
venaient d'ailleurs. Sur les roses de Tanzanie, la densité
des poils était telle que je ne pouvais
m'empêcher de penser à R. bracteata,
ou à R. clinophylla, de la section Bracteatae
2.
Lors d'un premier séjour dans les herbiers du Muséum
d'histoire naturelle de Paris, j'y découvre des roses
"velues" très proches des roses de Tanzanie,
collectées dans les colonies et protectorats français
: Madagascar, l'Île Bourbon et, ... pratiquement
identique lui, le type de R.
beauvaisii Cardot annoté "Campagne
des environs de Longtchéou, haies et buissons,
pousse en abondance, avril 1893". Les fleurs de
ces échantillons
sont semi-doubles à doubles et décrites comme
roses, ou "rouges".
Cependant, les récolteurs prudents et scrupuleux se
contentent de noter "Rosa" sur l'herbier,
sans préciser de nom d'espèce.
Je reviens donc à la description de Thory pour complément
d'information sur la morphologie de la var. carnea,
et je constate qu'il décrit une pilosité analogue
à celle que j'observe chez ces roses de Tanzanie et
des colonies françaises : "Les feuilles [...]
vertes et glabres en dessus, plus pâles et pubescentes
en dessous. [...] Elles sont portées par un pétiole
velu... [Les] pédicelles, ainsi que le pédoncule
commun, sont couverts d'un duvet semblable à celui
que l'on remarque sur les pétioles. Les tubes des calices
[...] sont pubescents. Les divisions du limbe [...] sont également
pubescentes..."
À la même époque (1820), dans sa "Rosarum
Monographia, Lindley décrit le même phénomène
pour sa Rosa multiflora : "Stipulae linear [...]
downy beneath; petioles very villous; leaflets [...] hairy
on both sides."
De retour dans les multiflores de l'herbier Crépin,
j'y découvre des spécimens très semblables,
qui permettent d'imaginer la voie de l'introduction de ce
genre de cultivars en Europe, mais aussi peut-être
indépendamment en Amérique : -un spécimen
de San José de Costa Rica 3,
en Amérique centrale (dont un double se trouve aussi
dans l'herbier général de Meise (BR)); -deux
spécimens de Madère sous l'appellation locale
de "roses des Portugais" (ce nom pourrait faire
penser à une introduction bien antérieure par
les navigateurs portugais, et la flore des roses de Madère
inclut d'autres choses telles qu'une rose blanche "à
odeur de riz", à rapprocher des "Noisette").
Élément supplémentaire intéressant,
les spécimens de Madère appartiennent à
deux formes proches mais différentes l'une de l'autre
:
- L'une
possédant de petites folioles (pointues comme
celles de R. luciae) et de très petites
fleurs semble être une vigoureuse plante grimpante
4; la deuxième planche
du même spécimen montre de fortes tiges stériles
en pleine croissance. Cette plante est semblable à
celle de San José de Costa Rica.
C'est elle qui se rapproche le plus par l'ensemble des caractères
précités de la var. carnea de Redouté.
La couleur de ses fleurs n'est pas signalée.
- L'autre
possédant de grandes folioles largement ovales est
apparemment identique aux roses de Tanzanie, à certaines
de Madagascar et à la R. beauvaisii de Longtchéou.
Ici, les fleurs sont bien à tendance
rose ou rougeâtre voire plus foncée 5.
Ne s'agirait-il pas tout simplement de la var. platyphylla
6 décrite et illustrée
dans "Les Roses"? Chose importante, Thory ne mentionne
que des différences de proportions, de couleurs des
fleurs et de rugosité du feuillage entre les var.
carnea et platyphylla, mais il ne signale pas que cette
dernière serait moins velue.
...
retour en Chine, ...
Mais
revenons-en à la var. carnea. De nombreux
auteurs la rattachent à une rose considérée
d'abord comme une variété botanique de Rosa
multiflora, bien qu'elle en soit probablement génétiquement
éloignée : Rosa cathayensis (Rehder &
E.H. Wilson) L.H. Bailey (synonyme de R. multiflora
var. cathayensis Rehder & E. H. Wilson),
originaire des provinces chinoises de Yunnan et Setchouan
7.
Ces avis sont basés sur l'ouvrage "Plantae Wilsonianae",
qui répertorie et décrit les nombreuses espèces
de plantes récoltées par des missionnaires ou
lors d'expéditions en Chine au début du XXe
siècle. On a rapporté à cette rose la
forme décrite par Plukenet dès 1704 (1696 d'après
G. S. Thomas) comme "Rosa sylvestris cheusanica,
foliis subtus incanis, floribus purpureis parvis"
(rose sauvage de Chine, à dessous des feuilles couvert
d'une pubescence blanchâtre, et petites fleurs pourprées),
mais cette courte description pourrait aussi bien convenir
à la var. carnea, la var. platyphylla
ou aux autres qui vont suivre.
Pour l'instant, des herbiers de George Forrest et de E. E.
Maire empruntés aux Jardins botaniques royaux d'Édimbourg
sont à l'examen à Meise. À l'heure où
ces lignes sont rédigées, le
spécimen
type de la var. cathayensis de Rehder & Wilson et d'autres récoltes chinoises font l'objet d'une demande
de prêt à l'Arnold Arboretum, de Boston. Si dans
l'herbier d'Édimbourg figurent bien des spécimens
(venant uniquement du Yunnan) étiquetés var.
carnea et var. platyphylla, pratiquement tous
les spécimens (23 au total) ont le dessous des folioles
velu, mais seulement quelques-uns sont munis de poils épars
dans les inflorescences. Par contre, la présence de
glandes pédicellées ou non est fréquente.
De grandes différences d'un spécimen à
l'autre dans la distribution de celles-ci, la taille des feuilles,
celle des fleurs ainsi que leurs couleurs et la duplicature
des corolles, donnent l'impression que l'on a affaire à
23 formes différentes.
Une grande homogénéité existe cependant
dans la couleur claire et terne des deux faces des folioles
et celle, pâle des aiguillons; les pédicelles
sont grêles et peu rigides, plutôt longs par
rapport
à la taille des boutons, 2 à 3 fois plus longs
en proportion que chez le R. multiflora du Japon,
et forment un angle plus fermé avec les tiges principales;
l'articulation est peu marquée, contrairement à
chez R. multiflora, qui montre souvent un épaississement
notable à cet endroit; les inflorescences forment
des corymbes pas toujours très fournis. Cela laisse
l'impression d'une population "semi-cultivée" d'origine
régionale (George Forrest utilise souvent l'expression
"semi-cultivated" pour ses spécimens de R.
chinensis récoltés dans la même région),
mais très variée et où les hybridations
avec d'autres espèces ne sont pas à exclure
8. Cultivant depuis bien des années
des roses botaniques ou horticoles de la section des Synstylae,
j'ai pu me rendre compte (pour mon plus grand plaisir) de
leur spontanéité à se ressemer et à
s'hybrider entre elles.
Rosa cathayensis ne semble en tous cas pas avoir été
décrite à partir de l'étude statistique
à grande échelle d'une population sauvage.
...
détour par l'Indochine !
Il doit
bien y avoir une origine botanique à la pilosité
abondante de rosiers des colonies et de la var. carnea
(je cherche toujours une origine dans la nature avant de
penser
à une mutation). On peut bien sûr se heurter
à l'écueil qu'une même plante soit plus
ou moins velue suivant les conditions climatiques sous lesquelles
elle est cultivée. Mais si seule la chaleur développe
la pilosité dans le cas qui nous occupe, pourquoi
la
var. carnea de Redouté, cultivée sous
le climat tempéré de la région parisienne
aurait-elle été si velue si elle descendait
d'une espèce (Rosa cathayensis) demeurant
glabre dans des régions bien plus chaudes du Yunnan
ou du Setchouan ? Après de petits détours
par la section Bracteatae, aux poils si semblables,
je replonge
dans le groupe de R. moschata, qui comprend des
choses très hétéroclites dans l'herbier
Crépin,
souvent pubescentes mais moins densément et avec
des poils moins longs. Explorations sans succès.
Sans y croire, j'aborde alors un paquet contenant entre
autres R.
soulieana et R. wichuraiana, ... et je trouve
Rosa
tunquinensis Crépin !
Boulenger, dans sa "Révision des roses d'Asie
de l'herbier Crépin" place à la transition
entre musqués et multiflores cette espèce décrite
par Crépin à partir de matériel provenant
de l'extrême sud de la Chine et du nord
de la péninsule indochinoise. Ici les formes sont variées
mais particulièrement velues 9;
il y en a à fleurs semi-doubles roses ou rouges. La
ressemblance avec les roses des colonies et aussi R. beauvaisii
est flagrante, bien qu'ici les boutons soient plus allongés
et fassent effectivement penser au groupe de R. moschata.
Les appendices latéraux bien présents et elliptiques
-alors qu'ils sont étroitement elliptiques à
linéaires chez R. cathayensis- renforcent
encore l'impression de ressemblance avec
R. moschata, mais il s'y ajoute un sommet un peu
élargi, presque de la même forme 10.
Boulenger décrit également de ces régions
ses R. cardoti et R. lecomtei, également
velues et qui en diffèrent par la glandulosité
de certaines parties de l'inflorescence, détail pouvant
être variable au sein d'une même population...
Mais on trouve aussi dans ce matériel des formes à
petites fleurs blanches simples, des haies près de
Hanoï et du mont Lan Mat, dans le Tonkin occidental,
qui donnent l'impression d'être plus primitives, et
peut-être proches des populations sauvages locales.
Se
rapprocherait-on cette fois de l'origine géographique
et botanique des roses qui ont apporté cette pilosité
?
Il ne faut pas oublier que sur les cartes de la biodiversité
à l'échelle planétaire, ces régions
et encore plus les chaînes montagneuses qui marquent
la limite entre l'actuel Laos et la Thaïlande sont représentées
en rouge foncé !!! Cela signifie que la diversité
y est maximale et qu'on s'attend encore actuellement à
y découvrir des centaines d'espèces inconnues
de végétaux et d'animaux. Pourquoi pas donc
de nouvelles roses et même des espèces clés
pour la compréhension du genre et des ses cultivars
anciens !
Des herbiers récoltés plus récemment,
dans les années 1970 à Java lors d'une expédition
japonaise montrent une
forme velue à fleurs
simples roses morphologiquement intermédiaire
entre R. tunquinensis et R.
beauvaisii. Peut-être s'agit-il de plantes naturalisées
dans une région de plateaux vers 2000 m d'altitude,
mais si ce n'est le cas, le genre Rosa aurait
donc largement dépassé l'équateur.
Vu le mode de dispersion de ses graines à longue
distance, et la distribution de divers autres genres d'origine
tempérée
dans ces régions (Rhododendron, Hydrangea,
...), cela n'aurait rien d'étonnant.
Dernière
minute !!!
De passage
ces derniers jours dans les multiflores de l'herbier Crépin
pour y inventorier tout autre chose, je retombe par hasard
sur les chemises consacrées aux multiflores cultivés
et y découvre des spécimens envoyés à
Crépin de la Villa Thuret, à Antibes par Maurice
de Vilmorin. Ils lui ont été
envoyés de Chine par des missionnaires, sont velus
et .....très remontants 11
!!! Leur port n'est pas décrit, mais ils ressemblent
fort à la rose à petites folioles du Costa Rica
et de Madère, avec juste les boutons un peu plus pointus
et des appendices plus prononcés (influence du R.
tunquinensis ?). Or, Thory écrit ceci pour la
var. carnea : "... ce n'est que quatre ans après
au mois d'août 1812, qu'il a donné ses fleurs
dans le jardin de M. le docteur Cartier ..." Plus loin,
il signale aussi : "... On doit les garantir du froid
par de bonnes couvertures; car M. Delaunay fait remarquer,
dans son bon jardinier, que les gelées des mois de
novembre et décembre 1812 ont détruit partout,
à Paris et dans les environs, les greffes et les francs-de-pied
qu'on avait laissés en pleine terre..." Cette
faible rusticité n'aurait-elle pas précisément
pour cause la provenance géographique très méridionale
de la var. carnea ?
Il semblerait
que ça et là, en Afrique du sud et ailleurs
on rencontre encore actuellement de très vieux rosiers
multiflores velus à floraison perpétuelle. J'espère
pouvoir en parler dans le prochain bulletin où je sais
déjà qu'il figurera des informations supplémentaires
sur R. cathayensis; le type et d'autres herbiers
venant de l'Arnold Arboretum sont bel et bien en route pour
Meise, je viens d'en recevoir
confirmation.
Notes
1.
Des roses telles que 'Buff Beauty' ressemblent beaucoup à
R. beauvaisii. En fait, morphologiquement, dans
les
"Pemberton" on détecte surtout l'influence
de R. gigantea et de ces rosiers du groupe cathayensis
/ tunquinensis qui doivent être intervenus
à plusieurs reprises dans leur genèse en même
temps que d'autres choses, dont R. moschata et
peut-être de vrais multiflores d'origine japonaise.
La complexité de la question ne date pas d'hier
et elle n'a pas été initiée en Occident;
voir aussi note 8 à
ce sujet.
2.
Chez les Rosa, une pilosité dense, villeuse
ou laineuse étendue à l'inflorescence, à
l'hypanthium, voire aux sépales semble être
caractéristique
de l'Asie méridionale. On la retrouve dans les Synstylae
chez R.
longicuspis entre
autres (bien que celle-ci fait penser à une introgression
des Chinenses dans les Synstylae), mais aussi chez certaines
formes de R. cymosa de
la section Banksianae, chez R. bracteata et clinophylla
de la section Bracteatae, chez R. sericea (variation
individuelle au sein des populations). Rosa rugosa
présente aussi ce caractère sur ses tiges,
entre les aiguillons (lien phylogénétique
avec les Bracteatae?)
3.
Concernant ces roses des colonies et des routes maritimes,
l'Amérique centrale et les Antilles étaient
des étapes courantes au retour des Indes, pour éviter
le pot au noir du Golfe de Guinée; d'autre part, le
Père Labat signale dans son "Nouveau voyage aux
isles de l'Amérique", début XVIIIe siècle
des échanges déjà fréquents de
plantes cultivées entre les colonies de l'Atlantique
et de l'Océan indien.
4.
Un rosier vivant d'origine oubliée trouvé grimpant
très haut dans un noyer en Belgique chez Jelena de
Belder semble correspondre à cette variété,
mais ses fleurs sont blanches ... Jelena de Belder, actuellement
vice présidente de la R. H. S., horticultrice spécialisée
dans les ligneux (spécialiste mondiale des Hamamelis)
a voyagé et fait beaucoup d'échanges avec l'Asie
depuis les années 1960.
5.
Des rosiers vivants proches morphologiquement de Rosa
beauvaisii, l'un trouvé récemment en Corse
par mon ami Jan Balis, auteur dans les années 1960
de diverses exposition à la Bibliothèque royale
Albert 1er, à Bruxelles sur l'histoire des roses et
des plantes cultivées; un autre reçu par Odile
Masquelier en provenance de l'Inde sous le nom de R.multiflora
var. carnea sont en cours d'analyses génétiques
à Lyon et semblent identiques entre eux. Ces formes
ont des folioles assez grandes, et ne correspondent pas par
conséquent à la var. carnea telle que
décrite
dans "Les Roses".
6.
L'origine japonaise décrite par Thory pour la var.
platyphylla ne se base que sur ce témoignage
imprécis
: "Cette magnifique variété, remarquable
par son feuillage et le coloris de ses pétales, a été
introduite en France par M. Noisette, chez lequel elle a
fleuri au mois de septembre de l'année dernière
(1819). Lui-même l'a découverte en 1817, dans
le jardin d'un maraîcher des environs de Londres qui
l'avait obtenue de graines reçues du Japon, et qui
lui a cédé
le pied tout entier." Dans Bean (1980), Desmond Clarke
qui la compare à la R. multiflora var. 'Grevillei' (décrite
dans le Gardener's Magazine de Loudon en 1828 et peut-être
introduite du Japon avant 1809 par Charles Greville, l'un
des fondateurs de l'Horticultural Society) dit de cette dernière,
qui serait encore en culture, qu'elle a des fleurs plus
petites
et plus nombreuses, mais néanmoins il propose l'appellation
collective Rosa multiflora var. platyphylla pour
les deux, ... ce qui est peut-être délicat.
Thomas
évoque l'appellation 'Scarlet Grevillea', qui serait
synonyme de 'Russelliana', pour un rosier qu'il dit pouvoir
être de la même origine que 'Grevillei'.
Les descriptions de morphologie et de couleur des fleurs
ne
permettent pas de différencier 'Grevillei'
de 'Russelliana'; cependant le premier produirait des jeunes
pousses vigoureuses peu résistantes au gel, ce qui
n'est pas le cas du second. L'illustration de l'inflorescence
de 'Grevillei' dans le même ouvrage fait incontestablement
penser à 'Russelliana', et ce n'est pas une copie
de l'illustration de la var. platyphylla par Redouté,
contrairement à l'illustration plus haut sur la
même
page, qui est une copie de sa var. carnea. 'Russelliana'
n'a pas les inflorescences velues, et ses tiges correspondent
bien à l'expression de "bramble like texture"
(texture de tiges de ronces), décrite par Loudon dans
Arboretum & Fruticetum Brittanicum pour 'Grevillei'.
Elles sont couvertes d'un mélange d'aiguillons et
d'acicules de tailles diverses; peut-être faudrait-il
y voir la trace d'une hybridation ancienne avec une espèce
d'une autre section (les Cinnamomeae, par exemple), comme
on pense
que c'est le cas pour les populations de R. maximowicziana,
trouvées dans la nature en Corée et en Mandchourie.
'Crimson Rambler', un ancien cultivar japonais, hybride probable
entre R. multiflora et R. wichuraiana a
aussi été confondu avec la var. platyphylla.
7.
C'est peut-être de cette région que provenait
une plante non velue décrite par Lindley comme produisant
plus facilement des fruits que la var. carnea : "Its
fruit has never before been described. For an opportunity
of examining it I am obliged to Mr. Lambert, in whose possession
is a specimen brought from China by Sir George Staunton, of
what is certainly this plant, without the pubescence of peduncles
and calyx; which is therefore deciduous." Il faut citer
également la forme à fleurs simples signalée
en cultures par Thory, bien qu'il n'évoque pas la question
de la pilosité : "Ce rosier que nous n'avons pas
vu en fleurs, est ici noté d'après le témoignage
de M. Noisette, qui nous a assuré l'avoir observé
dans le jardin des apothicaires, à Londres. M. Anderson
lui en a donné un pied qu'il a multiplié, et
qu'on peut se procurer dans sa pépinière. [...]
Vulg. Multiflore à fleurs simples."
8.
Yunnan et Setchouan sont considérées comme le
berceau de la culture des roses en Chine. N'examiner qu'une
espèce à la fois donne une vision tronquée
de la réalité; souvent je me référais
au groupe de moschata ou à la section Chinenses et
entre autres à des diapositives des herbiers de R.
chinensis récoltés par Forrest dans la
région. Les stipules laciniées non typiques
des Chinenses présentes chez 'Old Blush', ainsi que
ses pédicelles grêles et allongés pourraient
lui venir de R. cathayensis. Par ailleurs, R.
godefroyae Carrière décrite et illustrée
sous l'appellation erronnée de R. pissartii
ou R. nasturana dans "The Genus Rosa" de
Willmott doit être un hybride de R. cathayensis.
Des mutations remontantes et nanifiantes ont été
observées sur des Synstylae botaniques; il n'est pas
impossible que ce soient elles qui aient amené ce caractère
à Rosa chinensis Jacq. Mais si cette dernière
est un hybride, ce que la génétique semble confirmer,
on doit s'attendre à ne pas retrouver dans sa descendance
une image homogène de lui-même, mais plutôt
des réarrangements divers de caractères provenant
de ses parents.
9.
Boulenger dit de la pilosité : "...rameaux couverts
d'une pubescence très abondante, s'étendant
même sur les aiguillons." Il la rapproche de R.
moschata var. dasyacantha Cardot, du Yunnan.
10.
Un examen attentif montre des appendices et sommets de forme
intermédiaire entre R. cathayensis et R.
tunquinensis chez R.
beauvaisii , les roses des colonies et celle
de Java signalée en fin d'article.
11.
Voici le texte intégral dela lettre jointe à
l'herbier :
"...
Paris, le 28 janvier 1898
Cher
Monsieur, le temps et la talent me manquent pour décider
au moyen des deux petits échantillons de Rosa
microcarpa Lindl. que vous recevrez d'autre part par
poste recommandée,
si la plante qui les a produits a les titres légitimes
à se nommer ainsi ou si elle usurpe! L'apparence barbue,
pectinée des stipules me fait craindre que les bons
missionnaires de Zi-ka-way ne m'aient envoyé une
variété
du multiflora Th. Je souhaite me tromper! Je n'ai aujourd'hui
que ces deux petits échantillons d'herbier récoltés
il y a un mois (à contre saison) mais en mai et
au cours de l'été les deux pieds plantés
à Antibes pourraient en fournir indéfiniment.
Agréez,
cher Monsieur, l'expression de mes sentiments respectueux
et bien dévoués.
Maurice
de Vilmorin
..."
ivan louette, 2002
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