Rosa mosqueta
n'est pas
Rosa moschata
À propos de l'huile de rose musquée du Chili
À plusieurs
reprises ces derniers mois, des questions m'ont été posées
concernant l'huile de "rose musquée du Chili" (rosa
mosqueta en
espagnol) et la transposition éventuelle en Europe de la culture de
la rose en question. Ayant eu la possibilité
d'observer
cette
rose à de multiples reprises en parcourant la Patagonie, j'estime nécessaire
de relever ici une erreur assez grossière concernant son identité botanique
(1°).
Il
serait nécessaire aussi pour des raisons sanitaires évidentes
de lever l'ambigüité
entre la notion d'huile essentielle - éventuellement obtenue par des
procédés
chimiques -
utilisée
dans
des produits
de soins à usage externe et huile à usage diététique
obtenue par pression
à froid.
Voici donc
reproduit ci-dessous un échange de messages
qui devrait permettre d'éclaircir les choses.
(message de M.,
du 11/04/2005)
Bonjour,
J'aimerais tout savoir
sur l'extraction de l'huile de rose musquée,
qui
se pratique au Chili;
j'ai un peu cherché, pas trop longtemps parcequ'on perd tellement
de temps à chercher
sans savoir ou.
Cette huile est extraite des fruits des rosiers et non des fleurs, donc ce
n'est
peut être pas de votre domaine, néanmoins, je vous pose ma question:
connaitriez vous un site ou un bouquin qui explique cette méthode avec
précision ?
Merci d'avance pour votre éventuelle réponse.
M.
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(ma réponse le 12/04/2005)
Bonjour,
Vous trouverez des infos
intéressantes sur le sujet dans un petit livre
paru l'année dernière en version française : Rose
sauvage, de Christina Kiehs-Glos, aux éditions Aethera.
Toutefois, je dois vous avertir d'une importante erreur botanique (qui est également
le fait de ce livre), erreur répandue en même temps que la popularité assez
récente de ces huiles : la rose à laquelle on donne l'appellation
vernaculaire (ou vulgaire si vous préférez) de rosa mosqueta (rosa sans majuscule) au Chili et en Argentine n'a rien à voir
avec l'ancienne rose musquée qui porte l'appellation scientifique de Rosa
moschata Herrm. (Rosa avec majuscule puisqu'il s'agit de l'appellation scientifique,
et Herrm., du nom de Herrmann, botaniste alsacien qui décrivit cette
vraie rose musquée selon la nomenclature de Linné au XVIIIe siècle).
La rose musquée de Herrmann appartient à la section
des Synstylae,
qui se caractérise par des styles (organes femelles) longuement proéminents
au centre de la fleur, au point de dépasser largement la longueur des étamines
(ce qui n'est pas du tout le cas des différentes roses cultivées
au Chili pour l'extraction de l'huile).
La rose connue sous le nom de rosa mosqueta en Amérique
latine, de laquelle on récolte les graines (akènes) pour les
presser et en extraire une huile (il ne s'agit donc pas d'une huile essentielle
(2°))
est proche de l'espèce
Rosa rubiginosa L. (le rosier rouillé), bien
que présentant semble-t-il
quelques différences morphologiques mineures expliquées dans
le livre ci-dessus. Il s'agit évidemment d'une espèce européenne
arrivée intentionnellement ou non avec l'immigration européenne
en Amérique du sud. Il n'existait pas de roses sauvages dans ces régions,
ni ailleurs dans l'hémisphère sud avant leur arrivée.
Le rosier rouillé, comme toutes les espèces
de la section
des Caninae à laquelle il appartient est extrêmement variable
pour des raisons génétiques connues et étudiées
depuis les années 1930 (hétérogamie balancée, c'est à dire
que le parent mâle donne un nombre n de chromosome et le parent femelle
toujours un multiple de ce nombre), et donc il ne serait pas étonnant
qu'introduit dans un nouveau milieu il se soit adapté en suscitant de
nouvelles formes. Il n'est toutefois pas impossible non plus que rosa
mosqueta soit tout simplement une autre espèce également
de la section Caninae : Rosa sicula Tratt., la rose de Sicile, présente
en Europe depuis le sud de l'Italie jusqu'au sud-est de la France, que la Flora
Patagonica de Maevia N. Correa, Tomo VIII, INTA, 1984, p. 79 signale également
dans la région et qui possède des aiguillons souvent droits et
des inflorescences uniflores (la Flora Patagonica ne mentionne pas
l'appellation
rosa mosqueta, pas plus qu'elle ne signale le Rosa moschata Herrm.
dans la région). L'immigration italienne a été importante
en Argentine, il ne fait pas l'oublier!
Pour ce qui est des composantes de l'huile, je pense qu'il serait intéressant
d'étudier également les qualités respectives des akènes
de nos différentes et nombreuses espèces de rosiers sauvages
en Europe (voire encore plus peut-être de leurs populations locales),
en relation naturellement avec les conditions climatiques (ou microclimatiques)
et pédologiques dans lesquelles elles poussent (c'est très important
pour la vigne et pour l'huile d'olives, donc probablement aussi pour le rosier à huile).
Cela pourrait faire l'objet d'une thèse de doctorat très utile
et passionnante. Les Andes jouissent sans conteste d'un climat et de conditions
de sol favorables à la croissance des rosiers sauvages importés
là-bas, mais il est tout à fait possible que dans des conditions
adéquates, voire dans leurs conditions naturelles chez nous, nos espèces
sauvages se révèlent tout aussi intéressantes. Les Chiliens
ont mis à profit intelligemment et de manière inventive ce qu'ils
avaient sous la main; cette inventivité est une caractéristique à la
fois des populations expatriées et des populations indigènes
soumises à de nouvelles conditions (les Amérindiens des Andes
ont par exemple développé des usages qui leur sont propres de
la pomme, ...et des fruits du rosier, et il n'est pas impossible qu'ils soient
les inspirateurs de l'utilisation des graines de rosier).
Voir aussi au sujet de
Rosa moschata Herrm. deux études sur botarosa
:
Les
origines botaniques et géographiques
de Rosa moschata Herrm.
L'énigme des roses
en grappes ...ou l'origine de la rose musquée ?
Voilà, c'est tout ce que je crois pouvoir vous dire pour l'instant.
En espérant vous avoir été utile !
Bien amicalement,
ivan louette
Notes
1° À ma connaissance, aucune
étude générale n'a été menée concernant la composition et les propriétés
des huiles contenues dans les akènes des différentes espèces de rosiers.
Si je ne pense pas qu'il faille être alarmiste et craindre que les akènes
de certaines espèces contiennent des huiles potentiellement toxiques, la
prudence est toujours de mise lorsqu'il s'agit de notre santé. Il serait
donc constructif de procéder à l'analyse des huiles de la vraie rose musquée
et de tout ce qui pourrait être confondu avec elle.
2° Le
livre de Christina Kiehs-Glos évoque différents procédés d'extraction utilisés pour obtenir
l'huile d'akènes de rosiers, en ce compris l'extraction par différents solvants.
Il semble que celle-ci aie été abandonnée pour des raisons de toxicité;
restons attentifs cependant.
ivan
louette, mis en ligne le 13 avril 2005
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