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Les belles invasives

Il est normal qu'une roseraie à vocation environnementale telle que la nôtre soit un lieu de réflexion autour des introductions de roses dans le milieu naturel loin de leurs régions d'origine. Comme les autres animaux, l'homme peut être un vecteur des migrations végétales. Il le sera d'autant plus d'ailleurs en raison de sa mobilité, de la multiplicité de ses activités impliquant plantes et animaux et de sa propension à déplacer avec lui une part de son environnement originel.

Si l'on évoque parfois aujourd'hui l'idée de recréer de la biodiversité en un endroit donné à partir de plantes venues d'ailleurs (cette idée n'est pas neuve ; elle était très présente dans les classes dirigeantes au XIXe siècle), il ne faut pas oublier que le principal responsable de la réduction parfois catastrophique de cette diversité est l'homme lui-même. Cela non seulement par les grandes monocultures qu'il a introduites, mais aussi et encore bien plus par les "clandestines" qu'il a emmenées avec lui, collées aux semelles de ses chaussures, mélangées aux graines des céréales, ou bien à l'abri dans le ventre des animaux domestiques qu'il trimballait avec lui. Une fois ressemées sur place et en l'absence de leurs prédateurs naturels "restés au pays", ces plantes ont rapidement mené la vie dure aux autochtones, jusqu'à les "éjecter" de leurs territoires traditionnels, causant parfois carrément la disparition de communautés végétales d'un intérêt qu'il nous sera à tout jamais impossible d'évaluer voire d'imaginer.

Apprivoisons donc mieux les belles que nous introduisons chez nous et ne les encourageons pas à franchir d'un bond les clôtures de nos jardins pour se répandre dans la nature.
Pas d'ostracisme ici ! Simplement ne laissons plus nos jolies compagnes relayer parfois en l'amplifiant notre abus chronique de position dominante de super-prédateur.

Rosa bracteata
Rosa laevigata
Rosa montezumae
Rosa multiflora
Rosa rubiginosa
Rosa rugosa et ses semis
Les Carolinae
Paul's Himalayan Musk Rambler
Les semis de Synstylae, hybrides ou non
Les descendantes hybrides de Rosa arvensis


Quelques roses invasives dans le monde

Rosa bracteata (section Brateatae)

Cette rose chinoise appelée par les anglo-saxons Macartney Rose (du nom de l'un des premiers ambassadeurs d'Angleterre en Chine) est considérée comme invasive dans le sud des États-Unis. La photo du bouton que nous en montrons en gros plan à la section Bracteatae dans la rubrique Classer les roses provient d'un spécimen récolté au Caire en 1888. Elle s'est également répandue en France sur la Côte d'Azur et sous d'autres climats de type méditerranéen.

Rosa laevigata (section Laevigatae)

Rose des Cheerokees, étrange destin que celui de cette rose, chinoise également, qui on donna le nom d'une tribu indienne du sud des États-Unis car elle s'était si tôt et si largement ensauvagée dans ces régions qu'on l'y crût longtemps indigène. Elle fut peinte sur l'illustration de l'Oregon Snowbird par le naturaliste J. J. Audubon dans une seconde édition de son oeuvre majeure "Les oiseaux d'Amérique" et devint même l'emblème de l'état de Géorgie !!!

Rosa montezumae (section Caninae)

Représentée dans "Les Roses" de Redouté & Thory à partir d'un plant cultivé à la Malmaison, jardin d'acclimatation de l'Impératrice Joséphine de Beauharnais et ramené des vallées autour de Mexico par les explorateurs Humboldt et Bonpland (Bonpland fut un temps intendant du Jardin de la Malmaison, propriété de l'Impératrice Joséphine de Beauharnais). Cette espèce dont Redouté et Thory doutaient déjà début XIXe siècle de l'indigénat en Amérique centrale, a été identifiée par François Crépin comme une variété de R. tomentella, une espèce de la section Caninae sans doute introduite très tôt là-bas peut-être involontairement par les colons espagnols. Elle était en tous cas déjà courante au XVIIIe siècle dans ces régions.

Rosa multiflora (section Synstylae)

Une variété inerme de cette espèce japonaise de la section des Synstylae a été plantée le long des autoroutes aux U.S.A. pour aider grâce à son caractère puissant, ramifié et dense à amortir les sorties de route des véhicules. À partir de cela elle s'est ensauvagée et adaptée à des milieux très divers, y compris dans des sols très pauvres pour devenir une peste d'envergure. Ce problème bien connu maintenant et qui a fait l'objet d'innombrables études n'a pas pour autant découragé les responsables d'espaces verts dans d'autres régions du globe de la planter à grande échelle, et cela y compris chez nous ...!
R. multiflora est la première rose sur laquelle on a relevé la présence de mycorryzes, sortes de champignons microscopiques vivant en symbiose avec elle au niveau de ses racines et l'aidant à assimiler les éléments nutritifs du sol. Ceci explique sa grande adaptabilité.
Aux U.S.A. aussi, et bien que cela reste à vérifier (...le domaine phytosanitaire est un gros "business" parfois à l'origine de toutes sortes de désinformations), on accuse le rosier en général d'être l'hôte de certaines maladies des arbres (dont celle du chêne en Californie). Aussi certains chercheurs ont imaginé ni plus ni moins que d'utiliser certains virus répandus par des insectes pour éliminer R. multiflora, ce qui risquerait évidemment de causer des dégâts "collatéraux" à la fois parmi les espèces locales et les roses des jardins.

Rosa rubiginosa (section Caninae)

Notre églantier "rouillé" à feuillage à odeur de pomme (section Caninae) et ses parentes figurent parmi les plus anciens porte-greffes puisque l'une d'entre elles, R. agrestis (syn. R. sepium) était déjà citée et conseillée pour cet usage par Redouté & Thory dans "les Roses". C'est peut-être l'une des raisons de sa grande dispersion comme cela l'a été pour bon nombre d'autres porte-greffes.
R. rubiginosa est largement répandue dans la nature dans les zones tempérées fraîches d'Argentine et du Chili où on le nomme "Rosa mosqueta" (ce qui crée la confusion avec R. moschata, la véritable rose musquée). Ses fruits sont récoltés pour produire une marmelade riche en vitamines C et ses graines sont exploitées pour la production d'une huile aux multiples vertus (elle lutterait entre autres contre le cholesterol). Certains écologistes ont avancé l'idée que l'armature agressive de R. rubiginosa aidait à la renaissance de la forêt native dans les zones surpâturées de ces régions des Andes de Patagonie. Ce ne serait là qu'une juste (mais partielle) compensation pour des dégâts causés par le bétail que nous avons nous aussi introduit là-bas.
Plus près de chez nous, R. rubiginosa fait partie de programmes de "restauration" ou d'enrichissement des bords des champs cultivés. Cela a eu malheureusement pour conséquence d'introduire cette espèce dans des régions où elle n'était pas présente. D'où le risque de la voir se développer au détriment des vraies indigènes de la section Caninae dont le potentiel génétique n'est pourtant pas encore épuisé et mériterait qu'on le remette en valeur en même temps que tous les potentiels biologiques locaux !!!



Les invasives dans notre roseraie

Rosa rugosa et ses semis (section Cinnamomeae)

Un clone de R. rugosa se féconde difficilement par lui-même. Mais par contre R. rugosa est compatible avec beaucoup d'autres espèces, ce qui peut engendrer un grand nombre de semis spontanés disparates, parfois intéressants sur le plan ornemental. Certains d'entre eux cependant, produisent beaucoup de feuilles et peu de fleurs (parfois même non fertiles) tout en drageonnant beaucoup plus activement que l'espèce. Il est parfois très difficile de les extirper totalement des endroits où ils se sont semés et la concurrence de leurs racines et de leur feuillage dense peut se révéler insoutenable pour les plantes un peu faibles.

Rosa Carolina etc. (section Carolinae)

Est-ce une question d'absence de leur prédateur naturel ? Toujours est-il que les roses sauvages originaires d'Amérique du nord sont celles qui se comportent le mieux chez nous en terrain humide l'hiver, en cela y compris des espèces comme R. arkansana pourtant adaptée à des conditions sèches dans ses régions d'origine.
Les R. carolina, R. palustris et R. x mariae-graebnerae, ont toutes trois tendance à envahir par leurs drageons les parcelles de la roseraie où elles sont plantées, voire à s'infiltrer dans d'autres parcelles au-delà des sentiers de gazon. Durant les premières années de la roseraie, lorsque ses sentiers n'étaient pas encore tracés au travers de l'ancien verger, Rosa palustris y avait formé un fourré dense de plus d'un are. L'espèce est heureusement peu profondément enracinée, ce qui a permis de la limiter sans trop de peine par la suite. R. x mariae-graebnerae, pour sa part ne se contente pas de drageonner mais se ressème également car il s'agit d'un hybride fertile. On connait des cas de plantes dont des hybrides ont recréé de nouvelles espèces en dehors de leur environnement natal ; c'est le cas par exemple des onagres (oenothera), originaires des États-Unis où le genre se décline en de très nombreuses espèces et dont certaines introduites en Europe se sont "recombinées" de la sorte. Il n'est pas impossible donc que cela se produise un jour avec des Roses.

Paul's Himalayan Musk Rambler (section Synstylae)

Ce rosier liane très puissant a souvent été distribué par les pépiniéristes en lieu et place du R. multiflora var. carnea de Redouté. Il m'est arrivé à deux reprises de vouloir le remplacer ou simplement l'enlever sans pouvoir le faire. Non seulement la plante s'installe et s'enracine très vite, mais alors que les Synstylae ne sont habituellement pas des rosiers drageonnants, celui-ci peut produire quelques rejets qui lui permettront de s'affranchir très rapidement de son porte-greffe. Curieusement, une fois la plante affranchie le drageonnement s'arrête. Cependant la nouvelle plante devient alors beaucoup plus vigoureuse et chaque morceau de racine laissé dans le sol lorsqu'on essaie de l'extirper se remet à pousser avec une très grande vigueur.

Les semis de Synstylae, hybrides ou non (section Synstylae)

Ce n'est pas pour rien que la Belgique est le pays des hybrides de moschata de Louis Lens ! Sous le climat plus doux de l'Angleterre, Pemberton avait privilégié dans la composition de ses "Hybrid Musk" l'expression des gènes de la rose musquée, des roses thé et probablement de rosiers un peu tendres du sud-ouest de la Chine proches des multiflores. Notre ami Louis, lui, tout en partant de certaines bases communes (comme le rosier 'Trier', par exemple) a enrichi la génétique de ce groupe au moyen d'espèces plus rustiques chez nous comme R. multiflora (voir plus haut), R. luciae, R. adenochaeta, etc.. Ces espèces étant très fertiles et mûrissant bien leurs fruits en Belgique (pas besoin de stratification non plus pour les faire germer), leur descendance produit pas mal de semis spontanés dont beaucoup d'esthétiquement intéressants et certains même remontants ! L'intérêt horticole de ces nouveautés ne doit pas nous faire perdre de vue que la vigueur, le parfait état sanitaire et la grande fertilité de certaines formes les rend aptes à répandre à leur tour leur descendance dans l'environnement. Ne nous privons pas pour autant de ces belles qui ont pour gros avantages de ne nécessiter ni traitements contre les maladies ni engrais (juste un arrosage profond de temps en tems l'été en terrain sec). Simplement gardons-les au jardin, et s'il en apparaît des formes originales au dehors, ne les y laissons pas : transplantons-les dans le jardin si nous ne voulons pas les éliminer.

Les descendantes hybrides de Rosa arvensis (section Synstylae)

R. arvensis, le "rosier des champs" répandu aux lisières des bois calcaires en Belgique et ailleurs en Europe est auto-incompatible, comme R. rugosa (voir plus haut) : le pollen d'un individu ne peut pas le féconder lui-même, ce qui dans la nature comme dans les jardins favorise la fécondation croisée. Il se pourrait néanmoins que cela cause la disparition brutale de cette espèce lorsque ses populations se fragmentent trop.
Avant d'introduire l'espèce en provenance de la nature dans la commune où elle est en grave danger (*), divers hybrides de R. arvensis avaient déjà été plantés dans notre roseraie. Il semble que cette cohabitation accroisse leur fertilité car dans une zone proche à la fois de la variété 'Janet B. Wood' (un rosier du groupe horticole des Ayrshire, hybrides au départ entre R. arvensis et R. setigera, son vicariant nord américain) et de l'hybride R. muscipula (l'une des formes du croisement R. arvensis x gallica) plusieurs semis aux caractéristiques prononcées de R. arvensis se sont produits, dont l'un particulièrement vigoureux menace même de submerger un parterre de roses galliques !
L'une des caractéristiques de R. arvensis est de produire aisément des racines à l'extrémité de ses branches lorsque celles-ci touchent le sol. Ce caractère que l'espèce partage avec sa cousine méditerranéenne R. sempervirens lui permet de s'insérer facilement dans la végétation arbustive de lisière. La variété R. arvensis 'Plena' de Louis Lens et ses descendantes 'Porcelaine de Chine' et 'Louis mon ami' ont aussi cette faculté de se marcotter spontanément. R. arvensis drageonne également, plus facilement encore que 'Paul's Himalayan Musk' (voir plus haut). Si cela permet par exemple de faire grimper les cultivars les moins denses ('Louis mon ami', par exemple) comme des clématites au sein d'autres rosiers, les plus puissants comme 'Plena' risquent de se révéler trop exclusifs.

(*à Chaumont-Gistoux, la pression sur les roses indigènes s'est accentuée ces dix dernières années au point qu'il ne reste semble-t-il plus qu'un seul massif de quelques mètres carrés de R. arvensis, peut-être même un seul clone, qui subit régulièrement les atteintes du glyphosate depuis que celui-ci est malencontreusement autorisé en usage agricole).


ivan louette, mis en ligne le 24 août 2004

 

© ivan louette et Commune de Chaumont-Gistoux, 2005.
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