Le
jardin de roses
Ou comment
cultiver les roses en Belgique et ailleurs
Par Pierre Lauwers
(inédit)
Qu'est-ce qu'une
rose?
Deux façons
de comprendre de quoi elles ont besoin
Observons les roses en liberté dans la nature
L'hybridation est un mélange aléatoire
de ces programmes…
Dans la nature,
un plus un ne font quasi jamais deux
Mais tout celà est encore trop simple, l'homme a compliqué encore
la question…
De tout celà découle la mise en scène des
roses au jardin…
Deux modes de culture différents, un pour les "botaniques",
l'autre pour les "hybrides"
Qu'est-ce que la terre?
Comment reconnaître un rosier bien/trop/trop peu nourri?
L'arrosage et ses malentendus en sens divers
Arroser rarement mais abondamment
La taille ou comment une anomalie s'est érigée
en dogme
Quand tailler?
Mais passeront-elles l'hiver, ces chères petites?
La mythologie scolaire à propos du climat belge
Les "maladies", un roman-fleuve qui en dit davantage sur nous-mêmes
que sur les roses
Les mesures d'hygiène
Particularités des trois principaux cryptogames
Le "problème" des insectes: voir ci-dessus, c'est du pareil
au même…
Assez philosophé, plantons maintenant
Laissez-leur ensuite quelques années…
Qu'est-ce qu'une rose?
A cette question, beaucoup
répondraient qu'il s'agit d'une petite plante à massifs
très colorée, en fleurs tout l'été et qui demande "beaucoup
de soins".
Quant à moi, je vous dirai : c'est une ronce. Oui, une "mauvaise
herbe", indéracinable, increvable, et qui pique.
Cette "mauvaise herbe" existe depuis bien longtemps avant l'homme,
et a envahi quasi tout l'hémisphère nord, depuis la Birmanie
jusqu'au cercle polaire arctique.
En existe-t-il des centaines ou des milliers d'espèces? On ne le sait
point trop, les experts n'étant pas d'accord ; une espèce peut
présenter des dizaines de formes différentes. Autant d'espèces
ou pas?
Et comme, d'autre part, ces espèces s'hybrident volontiers entre elles,
on peut dire que le genre Rosa illustre à merveille cette "Vérité" qui
veut que la Vie soit un foisonnement, un chaos, un fouillis indescriptible,
toujours en mouvement, un défi à toute description exhaustive.
L'homme, comme de bien
entendu, a voulu mettre son grain de sel dans ce chaudron de sorcière.
Avec le recul que nous avons aujourdhui, on se rend compte que l'histoire
de la rose s'apparente à une sorte de quête du Graal : on voulait
tout!
Les espèces d'Europe étaient bien évidement résistantes à nos
hivers. Qu'elles soient originaires d'Europe ou du Moyen-Orient (Syrie, Turquie,
Caucase, Iran, un peu de tout?) elles nous avaient offert diverses formes,
variantes, variétés, hybrides -qu'en sait-on?- plus ou moins
colorées, plus ou moins doubles ; des fleurs grandes, parfumées,
mais qui ne fleurissaient qu'un Mois sur l'année.
On sait
qu'en réalité, maints rosiers botaniques possèdent
la faculté de remonter, de refleurir en cours de saison. R.Rugosa, Moschata,
Fedtschenkoana, Arkansana ; certains hybrides, sans doute
naturels, comme R.Damascena et R.Chinensis…Celà fait déjà beaucoup,
mais il faut reconnaître que peu de ces roses "expriment" leur
faculté de remonter ; ce n'est bien souvent qu'à l'occasion d'une
hybridation, naturelle ou "humainement assistée", qu'elle
se manifeste chez l'un ou l'autre descendant.
Aussi, quand les premières roses chinoises arrivèrent en Europe,
vers la fin du 18ème siècle, remontantes mais peu spectaculaires
-au goût de l'époque- et peu rustiques, se mit en route l'un de
ces projets naïfs dont l'humanité a le secret: réunir dans
une seule plante l'aspect et la rusticité des unes à la faculté de
refleurir des autres.
Le beurre et l'argent du beurre, tout et son contraire.
Cette utopie est à la base de deux siècles de travail, d'hybridations
intensives, de recherche d'un idéal impossible à atteindre. Mais
ne rions pas trop, parce que nous lui devons des milliers de roses plus belles
les unes que les autres.
Peut-être avons nous, nous les humains, besoin de croire à des
chimères pour avancer?
Quoi qu'il en soit, l'histoire fut ainsi écrite, et nous lui devons
l'extraordinaire richesse
de nos collections mais aussi tout ce qui distingue la culture d'un églantier
commun, qui pousse tout seul dans sa haie, de celle d'un Hybride de Thé à grosses
fleurs.
Parce que dites-vous bien qu'en réalité, l'Hybride de Thé,
tout sophistiqué, "beau" qu'il soit, est la même plante.
Et que s'il demande davantage d'attention et de soins, ses besoins de base
ne sont finalement pas si différents!
Deux
façons de comprendre de quoi elles ont besoin
Puisque le genre est vaste
et complexe, et que l'homme l'a encore complexifié à l'envi,
nous pouvons éplucher tous les -nombreux-ouvrages qui existent sur les
roses, les étudier comme si nous devions présenter un doctorat
en la matière ; savoir, derrière chaque variété,
quelles sont les roses botaniques qui, dans les coulisses, tirent les ficelles…pour
agir en conséquence. Cette démarche est celle des collectionneurs.
Les roses n'étant -heureusement- pas réservées aux collectionneurs,
une autre démarche est possible. Et tout le monde la connaît!
Car en fait, que fait chaque jardinier à qui on offre une plante inconnue?
Il cherche l'endroit qui lui convient au jardin.
Si elle ne se plaît pas au soleil, on lui donne un peu d'ombre. Quand
faut-il l'arroser?
Quel sol lui faut-il?
Avant de la fixer à un endroit, on procède à des essais.
Tous les jardiniers, sans exception, font celà intuitivement.
Sauf avec les roses.
Pourquoi? Parce que depuis
un siècle, la plupart des jardiniers ne
connaissent, n'ont côtoyé qu'un seul type de roses : les Hybrides
de Thé et leurs cousins proches Floribunda.
Il n'y a pas si longtemps, une dizaine d'années à peine, on ne
trouvait quasiment que celà dans le commerce, plus quelques Rugosa,
l'un ou l'autre "arbuste-paysage", ainsi que les premières
roses "de style ancien" dont la culture ne différe guère
de celle des Floribunda.
Soit des roses extrèmement complexes, issues de dizaines de milliers
de croisements, et dont la floraison quasiment continue est due à un
important apport génétique de roses de climat chaud (R.Chinensis,
...)
C'est-à-dire,
chez nous,
des plantes qui ont toujours froid.
….et dès lors, capables de "fonctionner" uniquement
avec le maximum possible d'ensoleillement.
D'où l'adage "Les roses sont les filles du soleil"…
Observons
les roses en liberté dans la nature
Les roses botaniques poussent
par milliers, notamment R.Canina, l'églantier
commun.
Rarement en plein soleil, mais plutôt dans les haies, à l'orée
des bois et forêts.
En Amérique du nord, l'espèce japonaise R.Multiflora s'est répandue
comme une "mauvaise herbe" -et est traitée comme telle-. Une
correspondante de la région de Boston m'a signalé que cette rose
pousse toujours à l'ombre d'autres végétaux,
jamais en plein soleil.
Un cas assez extrème dans ce sens semble être une autre espèce
japonaise, R.Wichuraïana, dont toutes les variétés, même
des hybrides assez éloignés -génétiquement si pas
d'aspect- comme "American Pillar" préfèrent l'ombre
au point de fleurir à l'intérieur de la ramure des arbres.
Qu'en conclure?
Sans doute que si aucune rose ne réussira à l'ombre totale, leurs
besoins d'ensoleillement sont en réalité très variables
d'une espèce à l'autre ; mieux encore, les hybrides de deux ou
plusieurs espèces présenteront des exigeances variables parfois
d'une variété à l'autre!
Il est très intéressant également de voir que chaque
espèce se plaît dans un type de sol bien précis ; certaines
vivent dans le sable, le calcaire, les cailloux. Transplantées dans
une terre plus riche, elle peuvent se mettre "à faire n'importe
quoi": gigantisme, pousses énormes de plante trop nourrie -et les
maladies cryptogamiques qui en découlent- mais aussi des fleurs plus
grandes, voire doubles.
Il est très probable que les premières fleurs doubles chez le
rosier soient apparues de cette façon, à l'occasion du transfert
d'une rose botanique dans un jardin au sol plus riche.
Ceci signifie qu'un autre adage, "Rose= sol riche" est également
une généralisation abusive.
Du fait de la généralisation du greffage, on a oublié aussi
que l'enracinement des roses diffère également entre les espèces.
Certaines, en particulier celles qui ressortent à la section des Gallicanae,
s'enracinent plutôt horizontalement qu'en profondeur -c'est d'ailleurs
pour cette raison qu'elles drageonnent comme des folles-. Ces roses de climat
humide n'ont pas vraiment besoin d'aller chercher l'eau en profondeur ; c'est
pour cette raison que les américains ont des difficultés à les
réussir dans des états au climat chaud et sec, ou, chez nous,
sur des sols mal fixés sujets au lessivage par érosion.
Retournons voir nos églantiers
communs.
S'ils sont certes nombreux, formant une joyeuse compagnie de parfois plusieurs
dizaines de sujets, ils ne se comportent toutefois pas comme des sardines
en boîte,
mais s'égrènent à quelques mètres de distance
entre eux. S'ils drageonnent, les pieds les plus jeunes finissent par l'emporter
sur celui d'origine.
Entre eux, d'autres plantes prennent place ; leurs pieds ne sont jamais
exposés
au soleil direct. Un fouillis de "mauvaises herbes" et l'ombre des
arbres avoisinants s'en chargent.
Fort bien, celà c'est
pour nos R.Canina.
Ailleurs dans l'hémisphère nord, nous trouverons d'autres espèces
de roses, chacune dans un contexte naturel -un "biotope" bien défini.
Certaines grimpent aux arbres comme des lianes ; c'est même assez fréquent,
puisque, comme je l'ai déjà dit, la rose est une ronce. D'autres,
dans les prairies du centre de l'Amérique du nord, sont des buissons
bas qui drageonnent sur un tapis dense de "mauvaises herbes", en
harmonie, voire en symbiose avec ces dernières, qui leur ombrent le
pied, et ensuite les nourissent de leurs cadavres qui se compostent après
l'hiver…
La plupart sont soit des grimpants, soit des arbustes ; les "nains" comme
celui dont je parlais plus haut -R.Arkansana en fait, mais il y en a d'autres
bien entendu- sont les plus rares.
D'autres roses vivent dans
des conditions très particulières
; R.Palustris vit le pied dans l'eau, R.Rugosa quasiment le pied dans l'eau
de mer, et la tête dans les embruns.
Et dites-vous bien que cette mer-là- celle des côtes orientales
de la Sibérie, jusqu'en Corée et au nord du Japon- n'est pas
de celles où vous aimeriez passer vos vacances…
Bref, chaque espèce de rose est adaptée à un milieu de
vie bien précis, disons qu'elle dispose d'un "programme" qui
lui permet de s'adapter à chaque signal reçu de son environnement
: quand entrer en dormance pour l'hiver, quand redémarrer au printemps…
L'hybridation
est un mélange aléatoire
de ces programmes…
…
et n'importe quel informaticien vous dira: "ouille ouille ouille, on n'est
pas sortis de l'auberge!".
Beaucoup d'espèces de roses se croisent assez aisément entre
elles. Ceci s'est produit maintes fois dans la nature.
Le climat n'étant pas stable, mais ayant connu une suite de glaciations
entrecoupées de périodes de réchauffement, les espèces
se sont déplacées. Certaines régions comme les abords
du Caucase sont connues pour avoir été des "creusets" d'où sont
sortis des Hybrides naturels, dont la rose de Damas est sans doute l'exemple
le plus important dans l'histoire des roses de jardin.
La rose de Damas est faite de l'union de R.Gallica, dont l'aire de répartition
allait de l'Europe occidentale à la Turquie, R.Moschata, qui vivait
dans un espace comprenant
une partie de l'Iran, de l'Afghanistan, et quelques républiques d'Asie
centrale de l'ex-URSS, et R.Fedtschenkoana, d'Asie centrale.
Trois espèces, et de trois sections différentes!
Si la rose de Damas a survécu, c'est sans doute qu'elle est un des rarissimes
hybrides de ce genre qui soit viable ; la sélection naturelle a dû faire
un sérieux ménage.
Mais dans le cas d'hybridations
provoquées par l'homme, il en va bien
entendu différemment, car nos critères de sélection ne
sont pas du tout ceux de Dame nature…
Un des croisements les plus osés, les plus hasardeux et les plus difficiles
dans l'histoire est certainement l'union Gallicanae-Chinensis, celle-là même
qui est à l'origine de la quasi-totalité des roses de jardin
actuelles.
Ces deux programmes-là sont on ne peut plus différents ; l'une
fleurit sur le bois de deux ans au moins, l'autre sur n'importe quelle pousse,
y compris celles de l'année.
Ceci dit, remontantes, elles l'étaient toutes les deux, puisqu'en réalité ce
sont des descendants de la version remontante de la rose de Damas qui ont représenté la
section Gallicanae dans ces croisements! L'union d'une véritable "Gallica" et
d'une
chinensis n'a jamais donné que des impasses, des roses non-remontantes
et quasi stériles ; il n'est pas jusqu'à un hybrideur hyper-célèbre
qui, ayant prétendu croiser des Gallica et des roses modernes remontantes
pour obtenir, parfois dès la seconde génération, des descendants
remontants, à avoir utilisé en réalité la rose
de…Damas.
Mais même cette faculté de remonter est différente dans
les deux sections ; on pense qu'elle est due à une mutation sur un gène….Mais
pas le même, c'est-à-dire que plusieurs gènes différents,
mutants, peuvent apporter la remontée.
Mieux encore: cette faculté peut rester latente, inexprimée,
comme chez les roses de Damas non-remontantes.
Et encore : il n'est pas du tout garanti que de l'union de deux roses remontantes,
dont cette caractéristique est dûe à des mutations sur
des gènes différents, on obtienne des roses remontantes…autrement
dit, ces remontances peuvent être incompatibles…
Les roses européennes issues de la section Gallicanae se basent, pour
déterminer l'état d'avancement de la saison, sur la durée
du jour. N'importe quel cultivateur de ces rosiers sait celà; il peut
faire 12° en Janvier, elles ne débourreront pas!
Les "chinoises", elles, ignorent ce détail. Sous leurs latitudes
plus basses, la durée du jour est bien moins variable ; elles se basent
sur la température pour lire le calendrier,
et se mettront, chez nous, en boutons au premier redoux.
Bref, elles ont beau être toutes deux des roses, leurs métabolismes
sont fondamentalement différents, leurs "programmes" complètement
incompatibles,
leurs réponses aux signaux environnementaux quasi opposées.
Même leurs nombres de chromosomes diffère, mais les conséquences
de ceci sont plus importantes pour l'obtenteur que pour le jardinier.
En conséquence, le comportement des hybrides issus de ces deux mondes
est complètement imprévisible. Chacun doit être étudié au
cas par cas.
Certains peuvent être extrèmement bons, "Gloire des Rosomanes",
peut-être le meilleur, en est un exemple. Il combine la résistance
au froid des Gallicanae à la résistance à la chaleur des
Chinensis ; il peut vivre, laissé à lui-même, en Californie
du sud aussi bien qu'en Allemagne.
Mais la grande majorité de ces hybrides font nettement moins bien, "la
faute à l'informatique"; les deux programmes, mélangés,
peuvent donner n'importe quoi, jusqu'aux "plantages" les plus spectaculaires.
Quiconque utilise des ordinateurs ou des voitures "multiplexées" -le
genre à vous laisser en panne de nuit, tous feux éteints et avertisseur
en continu- me comprendra.
Ce sont ces roses-là qui ont besoin du jardinier pour survivre. Sans
l'aide, le coup de pouce pour "redémarrer la machine" de temps
en temps, elles ne peuvent "fonctionner".
Dans la nature,
un plus un ne font quasi jamais deux
Nous avons, nous les humains,
une forte tendance à penser "linéairement", à croire
que tout répond à des lois mathématiques.
Par exemple, si l'on croise une rose qui résiste au froid jusque -20° avec
une autre
qui succombe sous -10°, leurs enfants présenteront une résistance
au froid "quelque part entre les deux".
Ou encore, que deux roses "résistantes aux maladies" -un autre
mythe dont nous reparlerons- auront plus de chances de donner des rejetons
résistants.
Mais tout celà est faux et infirmé par l'expérience, et
plus encore si ces roses sont elles-mêmes déjà des hybrides, éloignés
de leurs ancêtres botaniques que la nature à mis des millénaires à "mettre
au point" pour un biotope bien précis.
Mais tout
celà est encore trop simple, l'homme a compliqué encore
la question…
…par la généralisation
du greffage des roses sur d'autres roses!
Et ceci pour des raisons essentiellement économiques : moins de matériau
végétatif nécessaire, plus grande rapidité. Pour
le client néophyte, le fait qu'une rose soit greffée sur un "porte-greffe" de
deux ans est un gage de croissance initiale plus rapide.
Mais tout celà est au prix de nombreux ennuis possibles. Car dites-vous
bien que là également, la "pensée linéaire" induit
en erreur.
Si nous greffons, disons, un "R.Gallica officinalis" sur un "R.Canina",
le couple
greffon-porte-greffe se comportera différemment d'un Gallica sur ses
propres racines,
Et différemment d'un R.Canina tout seul. Et ne sera en aucun cas une "moyenne
entre les deux", mais quelque chose d'imprévisible, suivant le
sol, le climat, l'exposition etc.
Sauf dans des sols extrèmes, calcaires par exemple, rien ne justifie
le greffage du point de vue du jardinier ; nous verrons comment aider les roses à se
débarasser de cette incongruité quand celà leur chante.
De
tout celà découle la mise en scène
des roses au jardin…
…comme les instruments
d'un orchestre dans une composition musicale. Le compositeur sait ce qu'il
peut
en attendre, quelles sont les limites de
chacun des instruments.
Après avoir lu ce qui précède, le lecteur comprendra
pourquoi je pense que la plantation de roses en massifs est une hérésie.
Une telle disposition va complètement à l'encontre du comportement
des roses dans leur milieu naturel.
Idéalement, chaque rose devrait être séparée
des autres par au moins une autre plante.
Les roses détestent se marcher sur les pieds ; elles ont besoin de
place pour pouvoir se renouveller en drageonnant -seul secret de leur longévité-.
En fait, elles préfèreront, même les hybrides les plus
gourmandes, avoir carrément des "mauvaises herbes" à leur
pied qu'avoir à supporter la concurrence d'autres roses aussi gourmandes
qu'elle, et dont les racines se nourissent à la même profondeur.
Bref, il vaut mieux traiter la plupart des roses comme les arbustes qu'elles
sont, et leur donner la compagnie d'autres plantes qui lui garderont le pied
au frais, comme dans la nature.
Les roses les moins encombrantes -en apparence- seront bien dans des arrangements
style "Mixed border": Galliques, Portland, Polyantha, Floribunda…
Quant aux plus vigoureux…
Il
vaut mieux se souvenir que les roses, ces ronces, sont foncièrement
indisciplinées.
Que faire de ces lianes,
de ces monstres, bardés d'aiguillons traîtres,
de trois mètres de haut, de ces nombreux hybrides "anciens" à grosses
fleurs qui "versent" à qui mieux-mieux à la première
pluie?
Si l'on veut bien oublier le diktat du "plein soleil" imposé au
vingtième siècle, les arbres du verger apportent une réponse
idéale.
Seules les roses modernes, hybrides hyper-complexes et fortement marquées
génétiquement par des roses de climat chaud ne s'y plairont pas.
Mais les Bourbons, les Hybrides Remontants, les Centifolia, certaines modernes
particulièrement réussies comme Aloha, New Dawn, font merveille
dans les pommiers et poiriers ; il suffit de se souvenir de deux choses:
-Ces arbres étant des Rosacées, il faut considérer le
sol à leur pied comme épuisé pour les autres Rosacées,
et le remplacer en conséquence.
-La concurrence des racines n'est pas à craindre avec des arbres âgés,
dont les racines nouricières sont à plusieurs mètres du
tronc.
Dans les arbres plus grands, maints rosiers botaniques et lianes à floraison
unique font un spectacle grandiose, au point que les passants s'arrêtent
et viennent vous demander "ce que c'est"!
Tout celà n'a évidemment rien à voir avec le "jardin
paysagiste", où tout est tracé d'avance, sur un plan, en
fonction de "ce qu'on veut avoir comme effet".
Dans un jardin de roses, chaque automne, il y a des déménagements
; des roses nouvelles qui n'ont pas encore trouvé leur place, celle
où elles se sentent bien, prospèrent, et ne tombent pas malade.
Les roses sont bien trop fières pour se soumettre à nos caprices.
En conséquence, elles n'ont pas leur place dans les "jardins sur
plan". Il faut les cultiver pour elles-mêmes, et non vouloir en
faire les "petits soldats" de notre volonté de puissance.
Deux
modes de culture différents, un pour les "botaniques",
l'autre pour les "hybrides"
Ceci est un peu un raccourci,
parce qu'il existe des hybrides très
faciles de culture, voire des roses botaniques qui, provenant d'autres biotopes,
demanderont des soins pour réussir chez nous.
Mais en gros, on peut dire que les roses botaniques de régions pas trop
différentes des nôtres, ainsi que les hybrides restés assez
proches des roses botaniques "planteront" leur système "informatique" rarement,
voire pas du tout, tandis que la plupart des hybrides demandent des soins particuliers.
Et en fait, si l'on accepte de "se mettre à l'écoute" de
la nature, tous ces soins répondent à la plus simple des logiques.
-Avant les travaux d'hybridation
du 19ème siècle, la totalité des
roses remontantes avaient des fleurs simples, ou semi-doubles mais alors petites.Leur
poids était très réduit. Il suffit de couper une fleur
de "Old Blush", d'un Damas remontant, d'un Rugosa d'espèce
type, pour s'en rendre compte.
Les grosses fleurs très doubles étaient l'apanage des Gallicanae,
dont les Centifolia constituent un exemple type.
Dans sa volonté d'avoir "tout et son contraire", l'homme a
obtenu des roses à la fois grandes, très doubles, très
lourdes, ET remontantes.
Exemple typique: les Hybrides Remontants.
Il n'est pas nécessaire d'avoir étudié la physique nucléaire
pour comprendre que des roses comme celles-là, même en sol très
riche, ont absolument besoin d'apports de "nourriture" réguliers,
sous peine de floraisons décevantes, maladies, etc.
Donc, il va falloir "nourrir" les roses, tout spécialement
celles qui ont des grosses fleurs et qui remontent.
Qu'est-ce que la terre?
Sans entrer dans les détails, c'est une entité vivante, où des
myriades de bactéries et de vers transforment les matières organiques
(cadavres d'animaux, déchets végétaux); c'est aussi le
lien entre le monde organique (matière vivante) et minéral (les
cailloux,
la roche, le sable…).
La terre, c'est un mélange de matières organiques décomposée
et de matières minérales plus ou moins décomposées
; suivant le climat, l'histoire géologique, elle est évidemment
extrèmement variable, dans sa composition, d'un endroit à l'autre.
Chaque terroir, sur notre planète, présente un sol bien particulier.
On peut bien sûr classer les sols suivant des "profils" : argileux,
sablonneux, etc, mais en gros on peut considérer quasiment chaque endroit
comme unique de ce point de vue.
Dans quasi tous les sols de l'hémisphère nord, des roses peuvent
vivre, puisqu'elles l'ont envahi ; au jardinier de trouver lesquelles. On connaît
les grandes tendances : Rugosa dans le sable, Hybrides Remontants pour les
sols lourds, Multifloras en sol acide…
Cette entité vivante, il nous faut bien entendu la respecter, donc "nourrir" les
roses sans détruire l'équilibre de la vie du sol.
En
réalité,
on va
nourrir non pas les roses, mais la terre.
Les engrais chimiques et
minéraux, conçus pour nourrir directement
les plantes, sont néfastes pour le sol. Ils l'épuisent par la
destruction de l'équilibre entre tous les organismes qui y vivent.
Les engrais organiques, par contre -fumier, humus et compost- seront mangés…par
les vers de terre.
Or,
la meilleure nourriture pour les roses est constituée des déjections
des vers de terre.
On se limitera donc à ces
trois apports, au mieux en alternance.
Dans les cas de sols carencés en minéraux, l'industrie propose
toute une série d'amendements spécifiques. Mais là encore,
je n'y crois qu'à moitié : "le sol manque de fer, j'ajoute
du fer"….Ce n'est pas si simple. Sous quelle forme ce fer doit il être
donné? Celà dépend du PH du sol, et sans doute de maints
autres facteurs.
Mieux vaut sans doute chercher quelles sont les roses qui se plairont dans
le sol que nous avons, tel qu'il est, avec seulement des suppléments
organiques.
Ces derniers ne présentent pas les risques des produits du commerce,
surtout l'excès
possible, à condition qu'ils soient bien mûrs -tout particulièrement
le fumier-.
Quant aux périodes d'application, il faut tenir compte du fait que les
apports organiques ont une action lente. Le mieux consiste en deux applications
par an, une en Mars juste après la taille, et l'autre en Novembre quand
les roses entrent en dormance.
Ceci est valable pour les
roses à grosses fleurs et remontantes ; pour
les autres, individuellement, on se situera entre celà et rien du tout.
Maintes roses botaniques sont très peu exigeantes. Des apports de fumier
pourraient même être néfastes pour elles.
Les galliques, les Damas et les Centfeuilles se suffiront d'un apport par an.
Les Portland, de dimensions réduites mais bien remontants, demanderont
deux apports par an mais avec des quantités moindres que pour des Hybrides
Remontants -tout celà est logique-.
Comment
reconnaître
un rosier
bien/trop/
trop peu nourri?
Il faut d'abord connaître la variété, savoir quelle couleur
présente son feuillage, quelle vigueur il manifeste.
Une rose trop peu nourrie va présenter des symptômes de "plantage
informatique" ; il s'agit, quasi dans tous les cas, d'un hybride incapable
de s'adapter de lui-même à une carence. Il va donc "se mettre
en panne" ; croissance ralentie ou stoppée, feuillage trop petit,
trop clair ; la mise en bouton sera précoce, sur des pousses trop courtes.
Ces boutons, trop petits, seront dévorés par les insectes.
L'arrêt végétatif favorisera l'apparition du Marsonia,
et comme la vigueur manque, au lieu de repartir pour remplacer son feuillage,
la plante finira complètement défoliée en plein été.
Si elle est jeune, elle peut carrément en mourir.
Dans des cas moins graves, on peut trouver un "plantage" propres
aux roses remontantes : après une floraison normale en Juin, elles refusent
de "repartir" et se mettent en grève jusqu'à l'année
suivante…Ici, il faut penser à un apport insuffisant en Mars.
Mais celà peut aussi provenir d'autres facteurs: arrosage insuffisant
ou mal fait,
concurrence d'autres plantes (haies, distances de plantation trop faibles…)
Il convient toutefois de noter que ce comportement est quasi normal chez beaucoup
de roses anciennes remontantes quand elles sont jeunes. Des monstres comme "Baron
Girod de l'Ain", "Baroness Rotschild", "Mme Isaac Pereire" demandent
cinq ans avant de présenter leurs performances réelles…
L'excès d'engrais
est tout aussi grave!
La rose, "boostée", va produire des pousses trop longues
avant de se mettre en boutons. Les premiers servis seront les pucerons, qui
se passeront
le mot pour venir profiter du repas que vous leur offrez.
Les suivants seront les maladies cryptogamiques, qui raffolent de ces feuillages
trop tendres, Marsonia et Oidium surtout. Ils attaqueront ensemble ou l'un
puis l'autre, en fonction des conditions météo.
La rose va réagir en produisant de nouvelles pousses!
A l'extrème, si elle est jeune, elle peut aussi en mourir. En effet,
il va arriver un moment où ses racines ne pourront plus suivre ; c'est
alors que l'on voit le bout des pousses pendre lamentablement. J'appelle celà "l'infarctus".
Quand on en est là, la seule solution est radicale : tout rabattre
sévèrement
des trois quarts, puis arroser à fond.
Une variante moins grave de l'excès de nourriture s'observe quand les
pluies ont été abondantes au printemps : un feuillage hypertrophié ,
présentant des folioles anormalement grandes.
Ceci rentre normalement dans l'ordre dès la mise en boutons.
Ceci explique pourquoi
les pépiniéristes sérieux conseillent
de ne jamais donner d'engrais aux roses durant leur première année, à part
l'humus pour rosiers adjoint au sol à la plantation.
Avant de lui demander de "casser la baraque", de croître et
fleurir à 100% de ses capacités, mieux vaut lui laisser le temps
de consolider ses fondations…bref un système racinaire suffisant.
Avec des roses particulièrement peu vigoureuses, comme certains des
tout premiers Rosomènes -Géant des Batailles, Empereur du Maroc-,
les Portland de la famille des "Rose du roi", il est même à conseiller
de supprimer les boutons la première année, ceci pour imposer à la
plante de concentrer son énergie sur ses racines et sa végétation
d'abord!
L'arrosage
et ses malentendus en sens divers
Que d'âneries n'ai-je lues et entendues en cette matière!
Depuis le pépiniériste prétendant ne jamais arroser ses
roses -dans une région copieusement arrosée toutefois- jusqu'aux
stakhanovistes de l'arrosage quasi quotidien.
Les roses botaniques qui vivent chez elles, dans leur biotope d'origine, n'ont
bien évidemment besoin de rien, même si "chez elles" c'est
un désert! Mieux même, des roses comme celles-là souffriraient
si on les arrose.
En fait, les besoins des roses en matière d'arrosage sont la plupart
du temps corrélés avec leurs besoins de nourriture : une rose
gourmande, avide des plaisirs de la chère,
est aussi une assoiffée.
Il s'agit donc de roses hybrides, qui vont se "planter" si elles
manquent d'eau, avec des symptômes assez proches de ceux d'une affamée
-voir plus haut- mais précédés de l'apparition de folioles
jaunis de ci-de là.
Il faudra donc arroser -même en Belgique-, tout particulièrement:
-Les roses jeunes, de tous types
-Au printemps dès qu'il fait sec, quand les pousses sont jeunes
-En cours de première floraison s'il fait sec, pour permettre aux roses
de repartir ensuite
-Les roses nouvellement plantées, même en hiver s'il fait sec.
Fort bien, mais le tout
est de savoir comment….Depuis l'horreur absolue
-"tourniquets" qui aspergent tout le jardin en pluie- jusqu'au goutte-à-goutte.
Règle unique : se souvenir que les roses ont des racines d'un mètre
en moyenne, et que c'est à cette profondeur qu'elles se nourissent et
s'abreuvent.
Ite Missa est. Tout est
là.
Un arrosage superficiel est néfaste, mieux vaut s'en abstenir ; le sol
va durcir, étouffant les racines superficielles que ce type d'arrosage
favorise!
Arroser rarement
mais abondamment
S'il fait réellement chaud et sec, 30° à l'ombre sans une
goutte de pluie depuis des semaines, la fréquence maximale des arrosages
sera de une fois par semaine en Belgique.
Exceptions: les roses en pots et les jeunes plantées l'hiver précédent,
qu'on doit alors arroser plus souvent.
Pour s'assurer que l'eau
arrive en profondeur, il n'y a pas trente-six solutions, il faut beaucoup
d'eau
et la verser lentement pour éviter qu'elle ne
ruisselle!
Le minimum, pour des roses compactes, est 10 litres à la fois. Pour
un grimpant ou un grand arbuste près d'un arbre ou d'un mur, 20 litres.
Quant aux moyens de cette politique, ce sont l'arrosoir -sans pomme!!!- ou
le tuyau déposé sur le sol avec un débit très faible,
laissé en place longtemps.
Matin, Midi ou soir, peu importe, mais ne pas mouiller les feuilles.
Surtout s'il y a du soleil
; les feuilles brûleraient. Et d'autre part,
l'arrosage des feuilles favorise deux maladies cryptogamiques : le Marsonia
et la Rouille…
Corrolaire : les fameux "tourniquets" n'ont rien à faire dans
un jardin de roses.
Mettez-les en vente à la prochaine brocante.
Si votre sol est lourd
et a tendance à durcir, un léger binage
le lendemain est très utile.
La
taille ou comment une anomalie s'est érigée en dogme
Revenons à notre églantier oublié dans
sa haie!
Bien entendu, il ignore tout du sécateur. Mais ce n'est pas pour autant
qu'il ignore également la taille.
Comme le disent d'aucuns avec malice, "un accident peut toujours arriver" ;
une vache dans le pré voisin peut commettre un faux pas. Un arbre peut
tomber, ou perdre une branche mal placée, lors d'une tempête.
Même les lièvres peuvent intervenir, et là,on sait ce que
celà signifie : rabattage jusqu'au sol.
Mais même en l'absence d'"accidents", l'espérance de
vie des tiges est limitée. Après quelques années,elles
ne fleurissent plus, se déssèchent et meurent. Ce sont les drageons
qui prennent la relève, un peu plus loin.
Bref jusqu'à un certain point on observe que les roses se taillent elles-mêmes.
Corrolaire
: S'il est un principe à conserver dans tout ce qu'on a
raconté sur la taille du temps de nos parents, c'est celui qui veut
qu'on élimine le bois mort ou trop vieux.
Malheureusement, une fois de plus, ce n'est pas si simple.
Qu'est ce qu'une tige "vieille"? Eh bien, celà varie, et grandement,
suivant les espèces et les variétés d'hybrides.
Un "Baron Girod de l'Ain" de sept ans n'a encore aucune tige trop
vieille pour fleurir en abondance ; mieux encore, quasi non taillé,
il produit encore des nouvelles pousses à la base chaque année.
D'autres roses, par contre, demandent à être débarassées
du bois de deux ans sous peine de mourir si elles sont greffées, ce
qui les empêche de drageonner!
En collectionnant des roses
très diverses, de tous types et de toutes époques,
on observe que maintes roses anciennes, non remontantes mais également
remontantes, pourraient se passer de toute taille, à l'exception de
l'enlèvement des fleurs fanées, sur les remontants, et du bois
mort.
Mais vers 1859 et l'apparition de "Victor Verdier" chez les Hybrides
remontants, tout change. Confirmation un peu plus tard, avec l'avènement
des Hybrides de Thé.
Et il semble bien que ce soit l'adjonction de l'élément "Thé" dans
le capital génétique des Hybrides Remontants qui en soit l'origine.
"
Victor Verdier" a un parent Thé comme père ; pour cette
raison, lui-même et ses enfants sont toujours des Hybrides Remontants.
Les premiers Hybrides de Thé ont comme pères des Hybrides Remontants,
et des roses Thé comme mère.
C'est à partir de ce moment qu'on observe un vieillissement accéléré du
bois. En quelques années, la base des tiges devient épaisse,
se déssèche, se craquèle. Si on ne fait rien, un beau
printemps, après le départ de la végétation, toute
la tige meurt d'un coup.
Pire encore, ces roses-là ne produisent de nouvelles tiges qu'à contrecoeur!
Il faut brosser le point de greffe avec une brosse en fer, voire la partie
pivotante de la racine, entre le point de greffe
(inclus) et les premières ramifications des racines avec un épluchoir à pommes de terre comme le faisait
Louis Lens. ET tailler sévèrement chaque année, toujours
pour provoquer l'apparition de nouvelles tiges.
D'où tous les principes de la taille du 20ème siècle
que nous ont appris nos parents : taille "à trois yeux", éliminer
le vieux bois etc.
Ces principes, nous les
conserverons donc, mais uniquement pour les roses où se trouve cet élément "Thé":
-Les Hybrides remontants descendant de "Victor Verdier" et "Frau
Karl Druschki"
-Les Hybrides de Thé
-Les Floribunda (PAS les vrais Polyantha)
-Les "Arbustes modernes", y compris toutes les roses "modernes
de style ancien"
Il semble qu'à cette liste il faille ajouter pas mal d'hybrides de
Multiflora - à l'exception de lianes comme "Bobbie James"-
et donc aussi les Hybrides de Moschata, qui en descendent directement. Certains
Rugosas, comme "Roseraie de l'Haÿ", montrent ce problème
aussi, en tous cas chez moi. Mais peut-être s'agit-il dans son cas d'une
inadaptation au sol -trop riche- ou d'un mauvais accord avec le porte-greffe.
Il s'agit là d'un des plus spectaculaires "plantages" issus
de l'hybridation, car, pour autant que je sache, les roses Thé elles-mêmes
présentent cet inconvénient de façon très limitée.
Avec toutes les autres
roses, on sera beaucoup plus libres de tailler ou non, ou un peu seulement.
En principe,
elles supportent toutes la taille, à condition
de tenir compte de leur vigueur.
En effet, si on rabat sévèrement un Hybride Remontant comme "Baroness
Rotschild", celà revient à réduire le nombre d'yeux
disponibles pour le démarrage. En conséquence, la rose va produire
d'immenses tiges raides, direction le ciel, avant de fleurir.
Et ces immenses tiges présenteront les mêmes inconvénients
que celles d'une rose trop nourrie : pucerons et maladies.
A l'inverse, une rose très peu vigoureuse, non taillée, va s'étioler.
Elle va disperser son effort dans un grand nombre de brindilles trop faibles
pour bien fleurir.
C'est en quelque sorte
un système de vases communicants, un équilibre à respecter
entre la vigueur dont la plante dispose et l'importance de sa partie aérienne.
C'est encore une fois logique
: on ne fera pas d'un Dogue allemand un Chihuahua, et réciproquement…
Suivant les cas, on peut rabattre d'un tiers, de moitié, ou juste "égaliser".
Peu importe le nombre d'yeux ; on se moque de "dégager le centre" ;
on laissera les "brindilles" en place, parce que leur mise en feuilles
précoce facilite le démarrage de la plante. On peut même
carrément faire comme pour une haie : on décide qu'une rose de
1,80 mètres de haut sera redescendue à 1 mètre vingt,
et couper simplement tout ce qui dépasse cette hauteur. En dessous,
on n'enlèvera que le bois mort.
C'est précisément ainsi que je taille les Hybrides remontants
arbustes, avec des résultats qui n'ont encore été critiqués
par personne.
Quand tailler?
Pour les remontants : au
début
du printemps, quand les Forsythias sont en fleurs.
Cette règle à l'immense avantage de s'adapter automatiquement à toutes
les subtilités climatiques de tous les terroirs.
Pour les non-remontants
: juste après la floraison, soit le plus souvent
en Juillet en Belgique.
On trouve en Belgique une tradition de la taille
d'automne chez les jardiniers.
Cette curiosité provient d'un mythe sur le climat belge, nous y reviendrons.
Concue pour éviter des bris de tiges, voire des déracinements,
dûs au vent ou au poids de la neige, elle ne se justifie vraiment qu'en
région côtière, où les vents sont effectivement
violents et les hivers jamais très froids.
En moyenne et haute-Belgique, cette taille d'automne est néfaste et
il est à recommander d'y renoncer ; nous en reparlerons à propos
de la rusticité des roses et des particularités de notre climat…
Mais
passeront-elles l'hiver, ces
chères petites?
Encore
un sujet extrèmement
complexe…
Avec de l'eau, c'est simple : elle gèle à partir de -0,1° Celsius,
et fond à partir de 0°.
Les roses, elles, font preuve de plus d'imagination.
Leur rusticité, c'est-à-dire les températures les plus
basses qu'elles puissent supporter sans dommages, n'est pas une valeur absolue
-X°, mais un diagramme abcisses-ordonnées, soit une courbe où les
températures sont en abcisses, la période de l'année en
ordonnée.
A l'entrée de l'hiver, la plante entre en dormance. En ce stade intermédiaire,
elle peut supporter un coup de froid jusque la valeur A.
Au coeur de l'hiver, en dormance complète, elle pourra encaisser par
exemple la température A- 10°C.
Au début du printemps, au moment de redémarrer, sa tolérance
au froid va grandement se réduire, et se limitera par exemple à A+5°C…
Autant déjà préciser à ce stade que davantage que
les extrèmes, c'est la stabilité d'un climat qui importe!
Bien entendu, cette "courbe de rusticité" dépend du
fameux "programme informatique" que la nature à mis des millénaires à mettre
au point chez les roses botaniques pour un terroir bien défini.
Et comme mon lecteur l'aura compris, l'hybridation de roses d'espèces
différentes, provenant de terroirs différents, va donner des
courbes de toutes les formes imaginables, jusqu'à l'inimaginable.
Chez
les roses hybrides, la rusticité dans un terroir précis
ne peut être évaluée qu'individuellement, par variété.
Ce n'est qu'exceptionellement,
dans certaines classes bien précises,
qu'on trouve une relative homogénéité à ce niveau.
Les Hybrides Remontants sont peut-être les plus "prévisibles" à ce
niveau, parce qu'ils constituent quelques lignées seulement, issues
d'ancêtres bien précis.
Mais même parmi eux, il y a des différences ; ceux issus de "Victor
Verdier", avec apport Thé, sont moins rustiques que ceux issus
des lignées plus anciennes.
Ces courbes vont bien entendu
jouer des tours. Une rose peut par exemple résister à nos
-12°, -15° que nous pouvons avoir en moyenne Belgique en Janvier. Peut-être
même pourrait elle supporter -20°……Mais PAS le -5° que
nous avons régulièrement…en Mars!
Et c'est ainsi qu'il est parfaitement possible qu'une rose rustique sous un
climat continental aux hivers plus froids que les nôtres ne le soit pas
chez nous.
Une autre variable s'ajoute : l'"aoûtement" des tiges peut,
chez certaines roses, être insuffisant chez nous par manque de soleil
en été. Et ce bois, pas assez mûr, d'être moins résistant
l'hiver que sous un climat aux hivers plus froids mais aux étés
plus chauds et ensoleillés.
Corrolaire
: une rose d'une variété donnée supportera
des températures hivernales plus basses sous un climat continental que
sous un climat maritime ou de transition caractérisé par une
grande variabilité.
Et c'est ainsi qu'il nous
est arrivé à tous, ici en Belgique,
d'essayer une nouvelle variété de rose, testée dans des
pays aux hivers rudes, et dès lors mise "au commerce" chez
nous sans arrière pensée….pour disparaître après
le premier hiver.
Et par-dessus le marché,
d'autres variables jouent encore!
-Le sol : imperméable ou bien drainé, se réchauffant
vite ou non…
-L'exposition
-Le mode de culture.
A propos de ce dernier
point, citons cette fameuse taille d'automne ; si la température ne dépasse pas 15° pendant plusieurs jours consécutifs
juste après, les blessures ne se "cicatriseront" pas, ouvrant
une autoroute E 411 -sans travaux- au froid, pour geler les tiges quasiment
de l'intérieur.
Et d'autre part, si le bonhomme hiver a décidé de vous geler
20 centimètres de tiges, mieux vaut qu'elles fassent 1,20 mètres
que 60 centimètres…
C'est pourquoi je suis
les conseils des spécialistes allemands en la
matière : ne rien tailler en dehors des deux époques de taille,
Mars pour les remontants, Juillet pour les non-remontants. Même les fleurs
fanées ne seront plus coupées à partir de la seconde moitié du
mois d'Août.
Tiens, me diront certains,
les auteurs anglais donnent des instructions de taille pour quasi toute l'année ; taille d'été,
d'automne, d'hiver…
La
mythologie scolaire à propos
du climat belge
Nous l'avons tous appris
dès l'école primaire : "La Belgique
possède un climat maritime tempéré".
Celà fait partie de l'idée qu'un pays se fait de lui-même,
et qu'il généralise pour l'ensemble de son "domaine".
Les petits allemands, eux, apprennent que leur pays fait partie de la "Mitteleuropa",
avec un climat continental rude.
L'ennui, c'est que Bastogne,
Vielsalm, Sankt-Vith, Bütgenbach, Amel,
Büllingen,
Ouren, Houffalize, le trio du plateau de Recogne (Bertrix-Libramont-Neufchâteau),
Saint-Hubert…..et j'en oublie, sont autant d'endroits où l'Hiver
est plus froid -et plus humide en sus, bien entendu- qu'à Hamburg, Essen,
Cologne, Francfort, Bonn, le bassin de la Ruhr….et j'en oublie davantage
encore.
Le climat belge est en
réalité typique d'une zone de transition
; seule la bande côtière ressort à un climat "maritime-océanique" authentique.
Le reste montre une infinité de nuances, incroyables pour un pays si
petit.
Aux Etats-Unis, la petite Belgique couvrirait pas moins de trois zones "USDA" (définies
par le ministère de l'agriculture) : les zones 8, 7 et 6!
En voici les raisons:
-L'altitude, plus élevée à l'est qu'à l'ouest.
L'effet en est double : d'une part, les nuages venus de l'ouest sont "incités" à nous
arroser encore plus copieusement, ce qui fait que la Belgique reçoit
plus de précipitations qu'une bonne partie de l'Angleterre;
et d'autre part, les régions les plus éloignées de la
Mer et de son influence adoucissante sur les températures extrèmes
sont aussi les plus hautes en altitude, d'où cumul de deux facteurs "refroidissants".
-La grande variété des sols. Dans le nord des provinces du Limbourg
et d'Anvers, ainsi que- pour l'anecdote- la montagne St Pierre près
de Liège, Stockem près d'Arlon et dans certains endroits du Brabant,
le sol est constitué de sable en majorité.
Ce sol se réchauffe et se refroidit très vite, au point qu'une
vaste zone, la "Campine",
possède un climat quasi continental malgré la proximité de
la mer. Dans les autres endroits où on trouve du sable, son étendue
réduite n'aura pas le même effet mais donnera des microclimats.
Dans la dépression de la Famenne, près de Rochefort, on trouve
des sols karstiques très calcaires ; cette région est particulièrement
chaude en été.
En d'autres endroits, on a des sols lourds, soit du limon soit de l'argile,
qui se réchauffent et sèchent difficilement.
La vallée de la Meuse est un cas extrème. Le sol, de l'argile
presque pure, est ce qu'on nomme une "terre froide", au point que
la végétation présente du retard au printemps par rapport à d'autres
régions.
A celà s'ajoute l'abondance de la couverture forestière -en augmentation
constante depuis l'unification de la politique agricole européenne-
qui agit comme un énorme climatiseur.
L'addition de ces deux facteurs fait de la vallée de la Meuse entre
Namur et la France un endroit où, même si de jour il fait 30° en été,
le petit matin est toujours frais, avec passage systématique sous le "point
de rosée". Le matin à 10 heures, il peut faire 25°,
les pelouses sont encore humides!
Tout ceci pour dire que
les conseils de culture trouvés dans n'importe
quelle littérature provenant de pays voisins nous sont en réalité peu
adaptés.
Un jour, nous partageons les conditions météo de Londres, le
lendemain celles de Berlin!
Rien que ces faits expliquent
pourquoi maintes roses françaises ou
anglaises ne font pas grand'chose chez nous, ou alors dans des endroits privilégiés.
Vu l'extrème variabilité de notre climat, mieux vaut se référer
au méthodes qui ont cours en Allemagne qu'en Angleterre.
Mais même ainsi, des surprises sont encore possibles. Une rose qui supporte
-25° en Allemagne n'accepterait pas ces températures chez nous ;
d'autre part, le type de dégâts dûs à l'hiver diffère.
Sur Internet on trouve des sites américains qui illustrent les dégâts
observés en climat continental : bout des tiges gelés, tiges
gelées jusqu'au niveau de la couverture de neige -qui reste en place
pendant des mois!-etc.
Chez nous, c'est plutôt en fin d'hiver qu'il y a des problèmes.
Suite aux fortes variations de température que nous connaissons, les
roses fortement influencées par R.Chinensis vont démarrer trop
tôt, dès Février, quand un coup de vent du sud-ouest amène
la température à 12°.
En conséquence, ces roses vont démarrer, et leur tolérance
au froid se réduire simultanément.
Deux jours après, suite à l'arrivée d'une masse d'air
en provenance de l'est, nous aurons -7° à Bruxelles -et donc facilement
-12° en maints endroits ailleurs-.
En plus de celà, le soleil s'en mêle: -7° la nuit, puis un
redoux vers 10°, avec du soleil sur les tiges…
Ces
successions gel-dégel sont un véritable supplice pour les
roses, qui préféreraient de loin encore du gel en continu.
Et c'est ainsi qu'en Avril,
après un démarrage normal….On
trouve tout d'un coup des tiges mortes jusqu'à la base, suite à un
véritable "éclatement" des cellules.
Reparlons d'Avril : c'est
aussi le mois des gelées tardives, où un
-5° est toujours possible, et même -3° en Mai.
Ceci peut détruire toutes les nouvelles pousses, au moment précis
où à Mottisfont, dans le sud de l'Angleterre, éclosent
les premières roses.
A ce problème s'ajoute encore celui d'une humidité extrème,
des sols en hiver, ce qui peut être nuisible en sols lourds surtout pour
des roses jeunes, de l'air en été, puisque de ce point de vue
la Belgique suit le régime des climats continentaux d'Europe centrale,
caractérisés par un maximum de précipitations en été.
Bref, fermons les cahiers!
S'il n'est stricto sensu pas faux de dire que la Belgique " a un climat
maritime", c'est pire encore : une demi-vérité…
Nous avons donc besoin
de roses rustiques en Belgique, pour la Belgique, et celà signifie des roses qui "débourrent" tardivement.
En pratique, les Gallicanae, qui ne se laissent pas "rouler" par
les caprices de la météo et attendent sagement que les jours
s'allongent avant de terminer leur grasse matinée,
sont très adaptés à nos régions: Galliques, Damas,
Centfeuilles, Mousseux. On peut y ajouter les Alba bien entendu et, en sols
pauvres, les Rugosa.
Parmi les roses remontantes, ce sont celles où l'élément "Chinensis" est
le plus faible, et l'élément "Thé" absent, qui
poseront le moins de problèmes, tout particulièrement les Portland
et les Hybrides remontants descendant de "La Reine" et "Gloire
des Rosomanes".Et bien entendu, toutes les roses botaniques de climats
frais, les roses de tous types obtenues en Belgique et testées chez
nous, les roses obtenues dans le Schleswig-Holstein en Allemagne du nord, au
Dannemark…
Les "maladies", un roman-fleuve qui en dit davantage sur nous-mêmes
que sur les roses
Sur dix pages écrites sur les roses, dans les livres, les magazines
ou les forums sur Internet, neuf sont consacrées à trois "maladies" -cryptogames
en réalité- qu'on trouve absolument partout, jusqu'en Nouvelle-Zélande
:
-Le Marsonia (Marssonina rosea)
-La rouille (Phragmidium mucronatum)
-L'oidium ( Sphaerotheca pannosa var.rosae)
Le fait même qu'on les retrouve partout montre qu'on a là un "plantage" dû à l'hybridation,
d'une part, et un manque de précaution de l'homme, qui a répandu
le problème sur toute la surface du globe -comme les rats-.
Il s'agit de cryptogames,
donc de champignons. A l'origine, ils devaient exister dans des terroirs
bien définis, contrôlés par l'équilibre
naturel propres à ces terroirs.
L'hybridation des roses à dû leur ouvrir un véritable boulevard,
par l'apparition de variétés incapables de se défendre,
et voilà nos champignons en culture -involontaire- dans le monde entier.
L'exemple le plus connu est celui de R. foetida, une rose jaune du moyen-orient,
qui fut utilisée par Pernet-Ducher au début du 20ème siècle
pour introduire la couleur jaune dans les roses de jardin.
Croisée aves des Hybrides Remontants, elle a donné les premiers
Hybrides de Thé jaunes, les "Pernetiana". Belle réussite,
mais à laquelle on doit la sensibilité de quasi toutes les roses
modernes au Marsonia!
Ce sont d'ailleurs les
roses modernes qui risquent de mourir de ces "maladies".
Les anciennes, sauf cas extrème, n'en meurent pas. Les variétés
les plus sensibles ont disparu, les autres ont appris à vivre avec.
Bien entendu, l'imagination "mathématique" de l'homme étant
sans limites, un véritable arsenal entier de produits toxiques a été essayé au
fil du temps, et continue à être essayé, avec des "trucs" qu'on
se refile sur Internet. Avec pour résultat des cryptogames de plus en
plus résistants.
En
effet, ces cryptogames mutent continuellement, ce qui rend leur comportement
imprévisible et la lutte "chimique" inefficace
voire contre-productive.
Certaines de ces "souches" s'attaquent aux feuilles jeunes, d'autres
aux plus âgées, voire les unes ou les autres suivant la température.
Ceci est particulièrement vrai pour le Marsonia.
Ces délicats champignons ont absolument horreur de changer leurs habitudes.
Habituée au feuillage lisse des Hybrides de Thé, une souche n'appréciera
pas, mais alors pas du tout devoir, pour attaquer l'Hybride de Thé suivant,
passer par le feuillage coriace d'un Gallicanae.
La rouille, si à l'aise sur les Hybrides Remontants pourpres et les
Hybrides de Rugosa,
sera bloquée dans son avance vers la victime suivante si des roses d'autres
classes horticoles sont sur son chemin.
Mesure
prophylactique numéro un : mieux vaut collectionner des roses
de classes variées, et les mélanger entre elles, qu'entasser
des roses de variétés ou classes identiques ensemble!
C'est ce que j'ai fait
par hasard, en collectionnant des roses de types divers et en les mélangeant pour l'attrait des différences
de feuillage, de port, de hauteur (en associant des arbustes et des lianes,
etc).
Résultat, l'impact des "maladies cryptogamiques" est chez
moi moindre chaque année; faire celà, celà revient à parsemer
une autoroute E 411 -ouverte par l'hybridation- de nombreux chantiers "à perpétuité" et
autres bouchons divers.
Bien entendu, une "épidémie" sera encore facilitée
si les roses se touchent entre elles, ce qui est logique.
Les deux points ci-dessus expliquent pourquoi les massifs de roses d'une variété unique
sont des pépinières à cryptogames…D'autant plus
que ces massifs sont constitués de variétés basses, taillées
sévèrement.
En effet, la Rouille et
le Marsonia sont particulièrement favorisés
par l'humidité qui stagne sur les feuilles pendant plusieurs heures
; quant aux spores présents sur le sol, il se transporteront sur le
dessous des feuilles grâce à l'eau qui rebondit sur le sol.
Le
feuillage près d'un sol nu est une proie facile, et servira de porte
d'entrée aux cryptogames.
Dès lors, tout particulièrement dans nos régions où il
pleut deux jours sur trois, toute technique de taille visant à obtenir
des fleurs -et donc forcément du feuillage- depuis la base d'une rose
est néfaste ; mieux vaut cacher le pied avec des plantes d'accompagnement,
dont le feuillage interceptera l'eau de pluie qui rebondit sur le sol.
On me dira que le paillis ou "mulch" feront aussi bien. Mais c'est
finalement moins esthétique qu'une belle association, d'une part, à renouveller
fréquemment ensuite.
Se pose aussi la question: quel paillis? Des tontes de gazon? Oui, mais en épaisseur
très réduite, car elles apportent de l'azote, et servent de cachette
aux rongeurs. A renouveller très fréquemment donc.
Les fameuses écorces de pins? Toxiques pour les roses!
Les cosses de cacao? D'une part, c'est très cher ; ensuite, Ivan Louette
m'a signalé que le cocktail de pesticides qui s'y trouve doit être
détonant, provenant de plus de pays dépourvus de règlements
en la matière…
Les
mesures d'hygiène
Elles sont classiques et
logiques : brûler les déchets de taille
-ne jamais les mettre au compost-, ramasser au maximum les feuilles infectées.
On constatera toutefois que les infections sont le plus souvent temporaires
et disparaissent d'elles-mêmes après quelque temps ; ne pas confondre
cryptogames du rosier et maladies humaines!
Pour ma part, je pratique une pulvérisation de bouillie bordelaise en
hiver. Ce produit, admis pour l'agriculture biologique, élimine une
bonne part des spores hivernant sur les tiges et le sol. Mais même celà,
je ne suis pas certain d'encore le faire d'ici quelques années.
Particularités
des trois
principaux cryptogames
Le MARSONIA est le plus
fréquent, on peut dire que sa présence,
si elle reste temporaire, est quasiment normale chez beaucoup de variétés.
Beaucoup d'erreurs, de mise en scène, comme on vient de le voir, mais
aussi de culture sont susceptibles de le favoriser:
-Manque de drainage du sol
-Rose trop ou pas assez nourrie
-Taille trop courte
-Sol nu, compact
-Soleil au pied sur un sol nu
-Feuillage mouillé lors de l'arrosage
-Emplacement trop confiné où l'air ne circule pas, d'où humidité constante
-Variété sur-représentée dans le jardin, voire
le voisinage, d'où prolifération
d'une souche adaptée à cette variété particulière!
-Emplacement ne convenant pas à une variété particulière
-trop peu ou trop
de soleil, de chaleur, sol trop pauvre/trop riche, trop humide/trop sec…-
On pense souvent que le
Marsonia est provoqué par l'humidité.
Ce n'est que partiellement vrai, celà dépend des souches, côté cryptogames,
et des classes horticoles, côté roses.
Ce qui est vrai, c'est que l'infestation a besoin d'un feuillage humide pendant
sept heures pour pouvoir s'installer.
Mais on observe des différences ; si les Hybrides de Thé, par
exemple, seront volontiers atteints lors d'une période pluvieuse et
fraîche, les Hybrides Remontants, eux, en sortiront indemnes. Ceux-là,
ils souffriront bien davantage par temps chaud, avec ou sans orages, quand
l'air lui-même est fortement chargé en humidité.
Autant dire que chaque classe, chaque "famille" de roses "fera
sa crise" à son heure, et pas en même temps que les autres.
Raison de plus pour les mélanger entre elles…
La ROUILLE est le cryptogame
que je crains le plus. Certaines roses, tout particulièrement les Hybrides Remontants pourpres et les Hybrides de
Rugosa, y sont spécialement sensibles.
Dès qu'on voit des pustules oranges sous les feuilles, il ne faut pas
hésiter à les couper et les brûler. Si on attend, les tiges
elles-mêmes seront atteintes et il faudra les couper.
La rouille est favorisée par un temps froid et humide au printemps et
en été. Ici tout
particulièrement, l'eau qui rebondit sur le sol favorise l'infestation.
Quelques mesures simples de prévention:
-Les roses sensibles, comme
les Hybrides Remontants issus de "Gloire
des Rosomanes" (ou "Rosomènes"), les Hybrides de Rugosa
comme "Sarah Van Fleet", "
Rose à parfum de l'Haÿ", "Conrad Ferdinand Meyer",
seront placés à grande distance les unes des autres au jardin.
-On évitera de les tailler trop, et on les conduira en grimpants si
possible, avec un support.
-Plantes d'accompagnement au pied obligatoires! Certains chez moi n'en n'ont
pas
encore, d'où parfois des attaques de rouille, qui commencent toujours
par les feuilles les plus proches du sol.
L'OIDIUM se comporte tout à fait différemment
des deux autres cryptogames.
Il ne commence pas par les feuilles proches du sol, mais de préférence
par les pousses les plus jeunes au sommet de la plante ; il n'est pas favorisé par
l'eau, qu'elle provienne du ciel ou rebondisse sur le sol.
L'oidium est clairement favorisé par de fortes variations des conditions
de culture:
-Journées chaudes suivies de nuits froides
-Sécheresse après une période très humide
Dans nos régions, l'oidium apparaît principalement en fin de
saison, après le 15 Août, quand les nuits deviennent plus froides.
Nos printemps frais, suivis d'étés généralement
pluvieux, limitent l'impact de l'oidium en ces saisons.
Ces observations nous apportent
quasiment "sur un plateau" les solutions
; une rose "sensible à l'oidium" est simplement placée
au mauvais endroit :
-Trop près d'un mur ensoleillé, d'une surface pavée ou
bétonnée au soleil
-Dans un endroit trop confiné, mal aéré
-En plein soleil aux heures chaudes pour certaines (exemple: les Hybrides Remontants)
-Dans un sol trop drainant ne retenant pas l'eau (d'où variations importantes)
De même qu'en ce qui concerne le Marsonia, une rose jeune, au système
racinaire encore superficiel, sera plus sensible. Même chose, évidemment,
pour les roses cultivées en pot, et davantage encore si ce dernier est
exposé au soleil.
Bref, des roses "sensibles à l'oidium" sont simplement en
manque de fraîcheur.
Il faut leur donner un emplacement aéré, une ombre partielle
aux heures chaudes
et un sol consistant. Dans ces conditions, si une attaque survient, un arrosage
en profondeur suffit le plus souvent à régler le problème.
La question des "maladies" fait l'objet d'une préoccupation
majeure chez beaucoup de jardiniers, parce qu'elle entre en résonnance
avec des tabous -qui n'ont rien à voir avec les questions de culture-.
Un feuillage "taché" est sale, voire impur. Le voisin ne peut
pas voir celà.
Que va-t-il penser de nous!?
Que nous sommes des "malpropres", des "man nets", des "baraqui"…
D'où l'arsenal chimique mentionné plus haut, plus une nouvelle "quête
du Graal" de la part des obtenteurs commerciaux de roses, une nouvelle
chimère:
La
recherche de nouvelles variétés "résistantes
aux maladies".
Si vous avez lu ce qui
précède, vous comprendrez aisément
que pour moi, l'expression même "variété résistante
aux maladies" est un non-sens.
Une rose "résistante aux maladies", celà peut signifier:
-TOUTES les roses, sans
exception,
bien placées et bien soignées.
-Une variété insensible aux souches de cryptogames existantes
en un endroit donné, en un temps donné.
Bref, celà ne signifie
rien
du tout.
Mais ce non-sens est pris
tellement au sérieux que les obtenteurs arrachent
plus de 90% de leurs semis, parce qu'ils sont touchés par l'oidium dans
leurs caisses de semis, en plein soleil voire -pire- en…serre.
Qu'ils sélectionnent des "parents résistants", ce qui
là non plus, ne veut rien dire, des parents "résistants" pouvant
donner des rejetons "sensibles" et inversément -forcément,
puisqu'on est dans un faux problème!-.
Récemment, sur un forum de discussion, un étudiant m'a donné du
fil à retordre en prétendant mordicus "qu'on n'a qu'à aller
prendre chez les roses botaniques les gènes qui les rendent résistantes".
Ce "libre-service", où on choisirait ce qu'on veut, n'existe
que dans notre imagination.
Si une rose botanique résiste aux cryptogames chez elle, c'est suite à des
millénaires d'évolution. Alors oui, on pourra trouver des gènes
corrélés. Mais s'imaginer que ces gènes auront le même
effet dans un hybride, cultivé ailleurs dans le monde, est le fait d'un
martien, non d'un terrien.
Encore
une fois, dans la nature,
un plus un ne font quasi jamais deux…
Mieux même : je prétends qu'il est plus facile de réussir
une rose "très sensible à telle ou telle maladie"!
En effet, il s'agit simplement d'une rose "située à un extrème",
dont les besoins sont donc prévisibles.
Par exemple, un Hybride Remontant pourpre comme "Baron Girod de l'Ain".
En plein soleil et taillé court, c'est un véritable nid à Oidium
et Marsonia.
En conséquence, traité comme un grimpant dans un arbre, sous
un soleil tamisé, il se porte comme un charme.
A contrario, une nouvelle
variété, jusqu'ici résistante, ne le restera pas indéfiniment bien entendu!
Et ce, d'autant plus si tout le monde se met à la cultiver….Pensez-vous
réellement que nos chers cryptogames vont laisser faire celà?
Tôt ou tard, une souche mutante s'en chargera. Et nous, entretemps, ne
savons rien des fragilités propres à cette variété-là. Fallait-il la mettre à mi-ombre? Etait-ce une bonne idée de la
palisser sur un mur? Trop tard…
Bien sûr, les nouvelles roses font l'objet d'essais pendant des années.
Mais dans leur champ de test, elles sont sûres de n'avoir aucune de leurs
congénères à des centaines, voire des milliers de kilomètres
autour d'elles….Pas la peine, pour nos champignons si délicats,
de se spécialiser pour ces exemplaires rares.
D'autre part, ces champs sont en Angleterre, aux Etats-unis, en Allemagne,
dans le sud de la France. Soit des terroirs bien différents du nôtre.
Mieux encore ; à part en Allemagne, il est probable que ces roses-test
fassent l'objet de pulvérisations régulières.
Parce que par "conditions de culture normales", on comprend "avec
pulvérisations"!
Bref ce n'est en réalité qu'une fois "mise au commerce",
multipliée par milliers et installée dans de vrais jardins qu'une
rose peut commencer à montrer son comportement réel.
Autant dire qu'avec ces
nouvelles roses, il convient d'être prudent.
Obtenues en France -sur la côte d'azur!-, aux Etats-unis, en Nouvelle-Zélande,
en Allemagne, elles sont vendues partout dans le monde. Les "pros" partent
du principe que "tout le monde voudra la belle nouveauté".
Ils feront tout pour celà : articles élogieux dans les magazines,
mises en évidence dans les pépinières, "concours" de
roses avec remises de prix, tout le clinquant, toute l'illusion du "Marketing".
Désolé, mais aucune rose n'est faite pour tous les terroirs.
Il peut certes arriver qu'une rose californienne se plaise en Belgique ; des
exemples, comme "Queen Elisabeth", existent. Mais c'est loin d'être
la majorité des cas.
Et d'autre part, ces roses modernes sont fortement marquées de gènes "Thé" :
Hybrides de Thé, Floribunda, Roses "de style ancien". Très
remontantes, elles tentent chez nous de mûrir leurs boutons jusqu'en
Novembre. Elles débourrent tôt, trop tôt.
Bref, je suis pour ma part convaincu que les roses "anciennes" sont
plus faciles à réussir en Belgique, en tous cas tant qu'il s'agit
de grosses fleurs doubles.
Pour les autres, à fleurs simples, la situation est différente.
Leurs origines sont plus diverses, et de toutes façons nous n'avons
qu'à nous servir dans des obtentions "bien de chez nous",
celles de Louis Lens!
Le "problème" des
insectes: voir ci-dessus, c'est du pareil au même…
…c'est-à-dire un problème psychologique plus qu'autre
chose. Les pucerons, chenilles etc font "mauvais genre", "sans
allure".
Mais si on ne les favorise pas en abusant des engrais, tous ces insectes ,
attirés par nos belles roses, attireront à leur tour leurs prédateurs.
Et si quelques feuilles sont mangées, dites-vous que votre jardin ne
serait plus vraiment lui-même sans papillons.
Ici
comme pour les "maladies", le tout est de savoir si nous-mêmes
et nos roses faisons partie de l'environnement, ou si nous venons de la planète
Mars et devons nous défendre contre cette féroce "nature" de
cette curieuse planète Terre.
Assez
philosophé,
plantons
maintenant
Et ici, après avoir
choisi les variétés adaptées à notre
terroir, choisi leur emplacement en fonction de ce que nous savons d'elles,
nous voilà plongés dans le concret…
Une
plantation réussie
est
une question de transpiration.
Les roses étant des plantes à racines
profondes, leur plantation exige un travail du sol en profondeur.
Chez moi, où le sol est constitué d'argile et de gros -parfois
très gros- cailloux, il est inutile d'espérer faire quoi que
ce soit sans une bonne pioche.
Même une rose de Portland aussi compacte que "Rose du roi" demande
un sol travaillé à 70 centimètres de profondeur.
Pas pour aller mettre des engrais et amendements au fond du trou, non. Bien
au contraire, il faut veiller à ce que la terre du fond retourne au
fond, sous peine de détruire la vie du sol. A chaque niveau, ses bactéries,
ses vers etc.
Le but est d'enlever les cailloux, les racines d'arbres, de vérifier
le drainage ; ensuite, d'ameublir le sol, toujours pour favoriser le drainage,
et faciliter la croissance des racines, qui devront "descendre" à un
mètre de profondeur.
En sol imperméable, il est utile de mettre une dizaine de cm de gravier
au fond. Pas de sable, il est trop compact pour celà.
Dans des cas extrèmes, on peut faire le trou en double, le second descendant
plus bas encore -1 mètre-. La différence de 30 cm étant
comblée avec du gravier, qui fera un drain efficace les premières
années.
Et notez bien qu'outre un enracinement plus rapide, tous ces efforts réduiront
l'impact du Marsonia, dont le manque de drainage est une des causes majeures.
Pour des roses gourmandes, les roses à grosses fleurs en général,
il est utile de mélanger à la terre de l'humus pour rosier, voire
du fumier à la condition expresse qu'il soit hyper-mûr et ne sente
plus rien. Un fumier trop frais brûlera immanquablement les racines.
En cas de doute, ne rien mettre du tout!
Même raisonnement pour le compost, qu'on peut utiliser si et seulement
si il est bien fait et bien mûr.
Que notre rose soit en
conteneur ou racines nues, les principes sont les mêmes
: l'essentiel est de ne pas abîmer les racines ou la motte.
-A racines nues, égaliser les racines au sécateur, ensuite s'assurer
que le trou soit assez large pour qu'elles puissent s'y étaler, droit
vers le fond.
Environ 24 heures avant la plantation -pas plus- mettre la plante dans un seau
d'eau mélangée d'humus pour rosiers.
-En conteneur, ne pas arroser la veille, et retourner le pot pour voir si la
motte sort toute seule. Si elle résiste, ne surtout pas forcer! Découper
le conteneur au sécateur
dans ce cas.
Avec un trou de 70 cm de
profondeur, la terre va se tasser après la
plantation. Dès lors, la profondeur va augmenter après l'arrosage
final. Dire "de combien" m'est impossible, celà dépend
du sol.
L'important
est qu'en finale, le point de greffe soit à 5 centimètres
sous le niveau du sol.
Ceci afin que les premiers
yeux des tiges basales soient enterrés ;
ainsi, à la première occasion, votre rose fera ses propres racines
et s'"affranchira" du porte-greffe dont elle est affublée.
Chez moi, dans l'argile,
c'est en plaçant le porte-greffe à peu
près au niveau du sol qu'après arrosage il se trouve à la
bonne profondeur.
Cet arrosage initial, indispensable, suffit pour tasser le sol -en tous cas
avec une terre lourde-.
Laissez-leur
ensuite quelques
années…
…avant de les juger. Bien entendu, s'ils sont malades, ne démarrent
pas, il faudra leur chercher un autre emplacement.
Mais même s'ils se portent comme un charme, il faut se souvenir qu'à l'instar
des pivoines, les roses ont besoin de quelques années pour donner le
meilleur d'elles-mêmes, à l'exception des buissons modernes.
En effet, ces derniers, fortement marqués "Thé", fonctionnent
sur du bois jeune uniquement ; de plus, ils sont greffés sur des porte-greffe
de deux ans. Bref, ils sont "faits" en deux ans.
Pour tous les autres, ce n'est pas vrai. Les lianes, les Damas, les Hybrides
Remontants voire certains Portland demandent cinq ans avant de montrer ce qu'elles
savent faire, tout particulièrement du point de vue vigueur et remontée.
Il ne faut pas "sur-nourrir" les roses jeunes, mais bien les arroser.
Durant les premières années, ce qui importe c'est l'enracinement.
Les engrais ne feraient que favoriser la végétation, ce qui est
néfaste à ce stade.
Patience
et longueur de
temps font plus que force et rage.
Le désherbage est important les premières années, jusqu'à ce
que la rose soit affranchie de son porte-greffe. Après, ce sont les "mauvaises
herbes" qui fuiront devant les drageons!
Ce désherbage n'est concevable que manuel, car les roses sont extrèmement
sensibles aux désherbants chimiques.
Et ceci au point qu'un trottoir traité avec ces produits peut laisser
des traces sur le feuillage des roses plantées à cinq mètres de distance.
De toutes façons, l'expression même "mauvaises herbes" en
dit davantage, une fois de plus, sur nous-mêmes que sur la culture!
Je me souviens qu'à l'école, dans les années 60, nous
avions dû apprendre par coeur des listes d'animaux et plantes "utiles" et "nuisibles".
J'en suis à me demander si en réalité, dans la colonne "nuisibles",
une espèce ne doit tout de même figurer.
Celle qui serait susceptible de ne laisser derrière elle que les rats
et les scorpions.
Espérons qu'au moins quelques églantiers nous survivent pour
leur tenir compagnie…
Pierre
Lauwers ; mis en ligne sur ce site le 3 juillet 2003,
mis à
jour le 21 juillet 2003
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