L'herbier
de François Crépin
Le Jardin
botanique national de Belgique peut s'enorgueillir de posséder,
grâce à François Crépin, l'herbier
de roses le plus important au monde.
Au
début du XXe siècle, dans une lettre (retrouvée
récemment fortuitement) adressée à E.
De Wildeman, successeur de François Crépin à
la direction du Jardin botanique de l'État (qui allait
devenir plus tard le Jardin botanique national de Belgique),
Jules Gravereaux (1844-1916), créateur de la Roseraie
de l'Haÿ, cherche à s'informer de l'existence
d'herbiers et de manuscrits que François Crépin
aurait pu laisser à la postérité.
À ce moment Gravereaux est l'initiateur d'une entreprise
en pleine expansion qui vise à réunir à
la fois un grand nombre de variétés de roses
et tout le savoir de son époque les concernant.
On ignore le contenu de la réponse de De Wildeman,
car elle n'a pas été retrouvée, mais
par ailleurs, on sait que ce dernier a longtemps entouré
d'un secret jaloux l'existence de l'herbier et des manuscrits
de Crépin, contribuant peut-être de la sorte
à la naissance de l'atmosphère mythique dans
laquelle ils baignent encore de nos jours.
Peu de temps après survient la "grande guerre"
de 1914-1918 et son cortège de pertes irrémédiables.
Le patrimoine de la Roseraie de l'Haÿ n'est pas épargné,
mais l'herbier et les manuscrits de Crépin, encore
à Bruxelles, échappent à la destruction.
François
Crépin naît à Rochefort le 30 octobre
1830, fils d'un juge de Paix également Inspecteur de
l'enseignement.
À l'école primaire, il ne montre pas de zèle
pour l'étude, à tel point que ses parents le
confient à un précepteur. Ce dernier, passionné
de zoologie et de botanique de terrain sera à l'origine
de l'orientation que prendra dès lors la vie de Crépin.
Après un passage infructueux par les bureaux de l'Enregistrement
et des Postes, sa famille lui permet de s'adonner en autodidacte
à sa passion et les résultats ne se font pas
attendre :
- En
1860, il publie un premier "Manuel de la Flore
de belgique",
et l'année suivante, il est nommé professeur
de botanique à l'école d'horticulture de
l'État
à Gentbrugge, dirigée par l'horticulteur
mondialement renommé Louis Van Houtte.
- En
1866, il devient Secrétaire général
de la Société royale de botanique de Belgique.
- En
1872, il entre à l'Académie des Sciences de
Belgique et est nommé Conservateur au Musée
d'Histoire naturelle de Bruxelles (dans la section de paléontologie
végétale).
- En
1876, il devient directeur du Jardin botanique de l'État
(devenu depuis le Jardin botanique national), créé
quatre ans plus tôt. Il le restera jusqu'à
sa retraite en 1901.
François
Crépin meurt en 1903, à l'age de 73 ans.
François
Crépin fut de tous temps considéré par
les membres de la Société royale de botanique
comme l'un des grands "animateurs" de l'étude
de la flore belge tant actuelle que fossile, à tel
point qu'en 1891, ceux-ci inaugurèrent un prix portant
son nom, prix qui est encore décerné de nos
jours.
Dans
le domaine des roses, à la fin de sa vie Crépin
considérait qu'il lui aurait encore fallu 25 années
de dur labeur pour arriver à une synthèse des
recherches qu'il menait depuis son accession à la direction
du Jardin botanique. Néanmoins la plus grande part
de son travail de classification est encore utilisée
aujourd'hui.
Son intérêt pour les roses provenait en partie
du fait que sa région d'origine (Rochefort, Han-sur-Lesse)
en regorgeait à l'époque de multiples formes.
Il récolta lui-même des roses en particulier
en France, dans le Dauphiné et en Savoie, et en Suisse,
dans le Valais et l'Engadine. Du reste de l'Europe, il reçut
de ses nombreux correspondants souvent spécialistes
eux-mêmes une quantité importante de matériel
d'herbier qui vint s'ajouter aux différents fonds parfois
très anciens acquis par la jeune institution qu'était
alors le Jardin botanique.
Enfin, du monde entier, à travers lequel les liaisons
postales et autres étaient déjà à
l'époque bien plus pratiquées et plus rapides
qu'on ne l'imagine, Crépin reçut des herbiers
de bon nombre de voyageurs, botanistes ou non.
Si la section Caninae (celle des rosiers des chiens et églantiers)
occupe une place importante dans ses collections, la rose
gallique (Rosa gallica L.) et d'autres telles que le rosier
des champs (Rosa arvensis Huds.) y sont tellement bien représentées
qu'on peut y étudier leur principales variations géographiques
de manière détaillée.
Tout cela transforme une recherche dans sa collection en un
voyage extraordinaire à travers le temps et l'espace.
Les roses de l'herbier Crépin ont été
revues en particulier dans les années 1930 par Georges
Albert Boulenger, zoologiste belge pensionné du British
Museum (où il avait consacré sa carrière
à l'étude des poissons et des batraciens).
Par la suite, peu de visiteurs s'y sont attardés,
effrayés
peut-être par l'ampleur du "monument".
La quantité non négligeable de roses cultivées
qu'on peut y trouver ouvre cependant la perspective d'utilisations
nouvelles telles que par exemple l'étude des origines
botaniques de celles-ci.
Important,
l'herbier Crépin l'est à plus d'un titre:
- celui
du volume (43.000 planches de roses séchées);
- celui
de la valeur botanique, puisque François Crépin
fut en son temps le clasificateur le plus renommé
au monde en matière de roses et que beaucoup de ses
idées ont encore cours actuellement;
- celui
de la valeur historique et humaine, car chacune de ces planches,
lorsqu'elle n'a pas été récoltée
par crépin lui-même est la trace de la correspondance
qu'il entretenait avec les botanistes de son temps (souvent
d'ailleurs, des lettres accompagnent les planches de roses
séchées).
L'herbier
plus que centenaire de François Crépin a
donc probablement encore un rôle important à jouer
dans la connaissance des roses !
ivan
louette 2002
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